Société
Précarité: L’adolescence précaire accroît le risque de pauvreté à l’âge adulte, selon une étude
Les personnes ayant vécu dans une situation de précarité à l’adolescence ont davantage de risque d’être pauvres devenues adultes, selon une étude qui confirme le phénomène de reproduction sociale, et l’importance, pour l’éviter, de favoriser mixité et accompagnement scolaire, plaident les associations.
Parmi les anciens adolescents précaires, presque un sur quatre est pauvre adulte, contre environ un sur dix chez les ex-ados non précaires, soit un risque de pauvreté 2,25 fois plus élevé, d’après cette étude de France Stratégie publiée lundi et réalisée sur un échantillon de quelque 5.500 adultes âgés de 30 à 54 ans en 2019. À environnement familial comparable à l’adolescence (niveau de diplôme des parents, origine migratoire, type de ménage, etc.), le risque de pauvreté reste 1,6 fois plus élevé. Avec un risque encore plus important pour les femmes (1,9 fois par rapport à une adolescente non précaire) que pour les hommes (1,2).
« Effectivement, on a malheureusement au quotidien de nouvelles familles ou d’anciens jeunes qui arrivent, issus de familles qu’on avait aidées par le passé », confirme Jean Stellittano, secrétaire national du Secours populaire français. « La pauvreté entretient la pauvreté, de génération en génération ». Les adolescents en situation de précarité, selon France Stratégie, subissent au moins deux critères sur les quatre suivants: sentiment de précarité financière, incapacité à partir en vacances, manque quotidien de protéines et manque de matériel scolaire.
Ils vivent dans des environnements moins favorables: mère souvent inactive, ménage monoparental, un parent absent ou décédé, famille nombreuse. Des écarts importants sont aussi liés au fait de ne pas d’avoir de parent diplômé du supérieur, deux parents immigrés ou d’être né à l’étranger.
La reproduction de la pauvreté s’explique notamment par le parcours éducatif: près d’un ancien adolescent précaire sur quatre n’a obtenu que le brevet ou moins, contre un sur dix pour les autres, et ils sont deux fois moins nombreux à être diplômés du supérieur. Des études qu’ils peuvent être obligés d’arrêter faute de moyens: « Dans nos antennes étudiantes, on observe des décrochages, parce que les jeunes sont obligés de travailler, pas seulement pour financer leurs études mais aussi pour subvenir aux besoins de la famille », raconte Jean Stellittano. « Et au bout d’un moment, il y a échec scolaire et ils abandonnent ».
Plus de six anciens adolescents précaires sur dix sont aujourd’hui employés ou ouvriers, contre environ quatre sur dix chez les autres. Et nombreux sont ceux qui continuent à vivre dans des types de ménages associés à un risque accru de pauvreté (ménage monoparental, famille nombreuse, etc.). Chez les femmes, la probabilité pour les anciennes adolescentes précaires d’être en situation de monoparentalité est ainsi de quelque 40% supérieure aux autres.
Pour leur 40e campagne cet hiver, les Restos du Coeur, « extrêmement préoccupés par la jeunesse des personnes qu’ils accueillent » – 50% ayant moins de 25 ans -, mettront la priorité sur les familles monoparentales et les bébés de moins de trois ans. « L’objectif, c’est que ces 126.000 bébés ne soient pas dans 20 ans 126.000 adultes qui viendront aux Restos », explique le porte-parole de l’association Yves Mérillon.
Citant une étude de l’OCDE de 2018, montrant qu’en moyenne, il faut six générations pour que quelqu’un de la classe populaire accède à la classe moyenne, il estime nécessaire de développer l’accompagnement scolaire, comme le font les Restos. Selon M. Stellittano, il faut aussi travailler sur la mixité sociale, notamment scolaire, « vraiment mise à mal » en France avec « les pauvres (qui) restent entre pauvres », les riches entre riches.
Une mixité que le Secours populaire tente de favoriser, avec les vacances qu’elle organise, en soulignant les « effets positifs qu’elle peut avoir sur les jeunes en termes d’ouverture, de culture générale ou en leur permettant de réaliser qu’il y a d’autres vies possibles » que les « petits boulots » de leur père, mère ou voisins. Car selon l’étude de France Stratégie, si près d’un ancien adolescent précaire sur trois a un niveau de vie parmi les 20% les plus faibles à l’âge adulte, 30% parviennent au contraire à se situer parmi les 40% les plus aisés.
Économie
Auchan annonce 2 389 suppressions de postes pour relancer sa croissance
Le groupe de distribution Auchan, après des années de turbulences financières, prévoit la suppression de 2 389 emplois en France dans le cadre d’un plan de redressement. Cette restructuration affectera les sièges, les hypermarchés et entraînera la fermeture de plusieurs points de vente.
Le groupe nordiste Auchan, appartenant au puissant groupe familial Mulliez, a annoncé ce mardi 5 novembre une réduction importante de ses effectifs en France. À l’instar de son concurrent Casino, qui a récemment engagé des démarches similaires, l’enseigne prévoit de supprimer précisément 2 389 postes parmi ses 54 000 salariés. Ce plan vise à rétablir la compétitivité et à réorganiser les activités du distributeur en difficulté, en consolidant sa logistique et en adoptant une nouvelle stratégie commerciale.
Le détail du projet de restructuration révèle que 784 postes seront supprimés dans les sièges de l’entreprise, tandis que 915 postes disparaîtront dans les hypermarchés. De plus, dix magasins, incluant des hypermarchés et des points de proximité, cesseront leur activité, ce qui entraînera la perte de 466 emplois supplémentaires. Plusieurs fonctions au sein des hypermarchés sont également appelées à disparaître, notamment celles de responsables commerciaux, de conseillers en vente, ainsi que des postes liés à la gestion de la masse salariale et à la sécurité.
Afin d’atténuer l’impact social de cette décision, la direction d’Auchan affirme vouloir limiter les licenciements secs. Un plan d’accompagnement a été proposé, intégrant des formations de reconversion, des congés de reclassement et des dispositifs de départ volontaire pour soutenir les salariés touchés.
Face à des années de déclin financier, Auchan espère, par cette réorganisation, retrouver une dynamique de croissance et redéfinir sa présence sur le marché français.
France
Samuel Patry : Un procès sous haute tension pour juger les instigateurs de la haine
Quatre ans après l’assassinat brutal de Samuel Paty, un procès historique s’ouvre pour juger ceux accusés d’avoir participé à la campagne de haine contre le professeur d’histoire. Huit adultes comparaissent pour répondre de leurs actes devant la cour d’assises spéciale de Paris.
L’assassinat de Samuel Paty, décapité le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine par Abdoullakh Anzorov, un jeune radicalisé, continue de hanter la société française. Aujourd’hui, huit adultes sont appelés à la barre de la cour d’assises spéciale de Paris pour répondre de leur implication présumée dans cette tragédie. Parmi eux, deux amis de l’assaillant, accusés de complicité d’assassinat terroriste, risquent la réclusion criminelle à perpétuité. Les six autres, accusés de participation à une association de malfaiteurs terroriste, encourent des peines de 30 ans de prison.
Ce procès est d’autant plus marquant que l’accusation dénonce une chaîne d’actes délibérés ayant désigné Samuel Paty comme une cible. En effet, deux des accusés, Brahim Chnina, père de la collégienne à l’origine de fausses accusations contre le professeur, et Abdelhakim Sefrioui, militant islamiste, sont suspectés d’avoir relayé les mensonges de l’adolescente sur les réseaux sociaux. Ces publications, selon les enquêteurs, visaient à attiser la haine et ont contribué à la mise en danger du professeur, figure aujourd’hui devenue symbole de la lutte contre le fanatisme en France.
La révélation de la vulnérabilité de Samuel Paty dans les jours précédant son assassinat renforce le sentiment d’incompréhension et de tragédie. Menacé après un cours sur la liberté d’expression, il avait manifesté sa peur auprès de ses collègues, mais n’a reçu aucune protection, alors qu’il était déjà dans la ligne de mire d’individus radicalisés. Les échanges avec ses collègues, où il confie son sentiment d’insécurité et ses demandes de soutien, témoignent de l’angoisse qui l’habitait, tristement symbolisée par le marteau retrouvé dans son sac à dos, dérisoire tentative de protection personnelle.
La cour présidée par le magistrat Franck Zientara, qui a déjà dirigé le procès de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray, se réunit au sein de la salle des grands procès du palais de justice de Paris, renforçant le caractère historique et symbolique de cette audience. Les débats promettent d’être intenses, avec la participation du Parquet national antiterroriste représenté par Nicolas Braconnay et Marine Valentin, qui rappelleront les enjeux de cette affaire emblématique des défis posés par l’islamisme radical en France.
Pour la famille de Samuel Paty, ce procès est une étape cruciale pour obtenir justice, mais également pour susciter une prise de conscience sociétale. Les avocats de Mickaëlle Paty, l’une des sœurs du professeur, expriment l’espoir que cette audience expose la réalité de l’islamisme radical et renforce la vigilance collective face aux menaces terroristes. Jusqu’au 20 décembre, ce procès devrait, au-delà de l’émotion, poser les bases d’une réflexion sur les responsabilités et les mécanismes de propagande haineuse ayant conduit à la mort de cet enseignant.
France
Budget 2025 : bras de fer sur la lutte contre la fraude fiscale
La Commission des finances de l’Assemblée nationale a voté des amendements proposés par le Nouveau Front Populaire, allouant 590 millions d’euros supplémentaires à la lutte contre la fraude fiscale. Ces mesures, qui incluent la création de 4 500 postes, restent toutefois suspendues à l’approbation de l’hémicycle.
Alors que le gouvernement cherche à économiser 60 milliards d’euros pour redresser les finances publiques, la lutte contre l’évasion fiscale est l’un des secteurs visés par les restrictions budgétaires. Cependant, la Commission des finances de l’Assemblée nationale s’est opposée à cette approche, adoptant jeudi plusieurs amendements déposés par le Nouveau Front Populaire (NFP) afin de renforcer les moyens de lutte contre la fraude fiscale. En plus d’injecter 590 millions d’euros supplémentaires, ces amendements prévoient la création de 4 000 postes d’inspecteurs des Finances et 500 postes de douaniers, ainsi que la mise en place d’un service d’expertise pour analyser les schémas de fraude complexes.
Cette décision, qui inclut également le maintien de 550 postes que le gouvernement envisageait de supprimer au sein de la direction générale des finances publiques (DGFiP), a suscité des tensions au sein de la commission. Les députés du groupe présidentiel, menés par Jean-René Cazeneuve, se sont fermement opposés au projet, dénonçant une inflation des besoins budgétaires qui, selon eux, excède largement les contraintes financières. Perrine Goulet, députée MoDem, a également critiqué la démarche, la qualifiant de « surdimensionnée » et regrettant qu’une telle approche ait peu de chances d’aboutir en l’état. À l’inverse, la gauche parlementaire a vigoureusement soutenu l’initiative. Le député LFI Jérôme Legavre, rapporteur du texte, a souligné la situation critique des services de contrôle fiscal, affirmant que « les services sont actuellement à l’os » malgré l’importance cruciale de leur mission.
Cette augmentation de budget doit néanmoins être ratifiée dans l’hémicycle, où les tractations s’annoncent tendues. Le vote solennel sur la partie « recettes » du budget 2025 est prévu le 7 novembre, bien qu’un report de quelques jours reste envisageable. Le gouvernement n’exclut pas le recours à l’article 49.3 de la Constitution, qui permettrait d’adopter le budget sans vote, un outil potentiellement décisif dans un contexte où le soutien à ces amendements n’est pas assuré.
Les données les plus récentes du ministère de l’Économie soulignent l’ampleur de la fraude fiscale en France, avec 15,2 milliards d’euros recouvrés en 2023, un montant en hausse par rapport aux années précédentes. Cependant, des études récentes estiment que moins de 20 % des sommes frauduleuses sont détectées par les autorités, une évaluation qui motive en partie la démarche du NFP en faveur d’un renforcement des moyens de contrôle.
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