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Culture

PapJazz à Port-au-Prince : quand la musique défie l’horreur des gangs

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En plein chaos sécuritaire, le festival de jazz haïtien a offert une échappatoire artistique à une population asphyxiée par la violence.

Malgré les barricades et les balles perdues, les notes de jazz ont résonné pendant deux jours dans l’enceinte protégée de l’hôtel Karibe. La 18e édition du PapJazz, réduite à sa plus simple expression, a transformé l’esplanade en oasis culturelle pour une centaine de privilégiés. Un contraste saisissant avec les rues voisines, où les gangs règnent en maîtres sur près de 85% de la capitale.

La programmation, exclusivement locale cette année, a mêlé improvisations jazzistiques, rythmes traditionnels du rara et textes percutants de slam. Sur scène, des artistes comme Eliezer Guérismé ont symbolisé la résistance créative, arborant une couronne d’épines en fil barbelé pour interpréter des œuvres inspirées par le deuil et la violence quotidienne. « Nous habitons une ville assiégée où chaque parole devient un acte de bravoure », a-t-il souligné.

Les organisateurs ont dû composer avec des contraintes inédites : fermeture de l’aéroport international, couvre-feu implicite imposé par les gangs, et public forcément restreint. Pourtant, chaque performance a pris des allures de manifeste. « Ces moments de convivialité sont vitaux, insiste Milena Sandler de la Fondation Haïti Jazz. Nous refusons de laisser la peur dicter notre rapport à l’art. »

Dans l’assistance, des visages marqués par l’épuisement se sont illuminés au rythme des mélodies. « C’est notre façon de reconquérir symboliquement la ville », confie Arnoux Descardes, tandis que Charles Tardieu évoque une nécessaire célébration de l’identité haïtienne. Entre deux morceaux, les conversations chuchotées rappellent l’omniprésence du danger : certains spectateurs ont franchi des zones contrôlées par des bandes armées pour assister au festival.

Cette parenthèse musicale, aussi brève soit-elle, a démontré l’incroyable résilience d’une scène culturelle déterminée à survivre malgré tout. Alors que le pays traverse l’une des pires crises de son histoire, le PapJazz 2025 restera comme un acte de résistance artistique – et politique.

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