Europe
Négociations russo-ukrainiennes « substantielles » en Turquie, Washington et Londres circonspects
Les pourparlers entre la Russie et l’Ukraine mardi à Istanbul ont été « substantiels » et ouvrent la voie à une rencontre entre les présidents Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, ont estimé les négociateurs des deux camps, des annonces toutefois accueillies avec circonspection par Washington et Londres.
Après trois heures de discussions au palais de Dolmabahçe à Istanbul, le chef de la délégation russe et représentant du Kremlin, Vladimir Medinski, a fait état de « discussions substantielles » et dit que les propositions « claires » de Kiev en vue d’un accord seraient « étudiées très prochainement et soumises au président » Vladimir Poutine.
Il a estimé qu’un sommet entre MM. Poutine et Zelensky serait possible en cas d’accord pour mettre fin aux hostilités. Depuis le début de l’invasion russe le 24 février, Moscou avait toujours écarté cette demande de Kiev.
Autre déclaration porteuse d’espoir après près de cinq semaines de conflit: le vice-ministre de la Défense russe Alexandre Fomine a annoncé que Moscou allait « réduire radicalement (son) activité militaire en direction de Kiev et Tcherniguiv », dans le nord du pays.
De son côté, le négociateur en chef ukrainien David Arakhamia a aussi estimé que les conditions étaient désormais « suffisantes » pour une rencontre au sommet entre MM. Poutine et Zelensky.
Les « actes », pas les « paroles »
Les marchés financiers ont aussitôt réagi favorablement: les Bourses européennes ont fini en forte hausse mardi, tandis que les deux références du pétrole perdaient plus de 5%.
Mais Washington et Londres ont réagi avec scepticisme à ces déclarations.
Depuis Rabat, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a dit douter encore du « réel sérieux » de la Russie dans les négociations.
« Il y a ce que dit la Russie et ce que fait la Russie. Nous nous concentrons sur ce qu’elle fait », a-t-il avancé, estimant que les Ukrainiens négocient avec « un pistolet littéralement sur leurs têtes ».
Même tonalité à Londres, où un porte-parole du Premier ministre Boris Johnson a déclaré que Londres jugerait « Poutine et son régime sur ses actes, pas ses paroles ».
Le Royaume-Uni organisera jeudi une conférence de donateurs pour mobiliser davantage d’armes létales pour l’Ukraine face à l’invasion russe, a indiqué mardi le ministère britannique de la Défense.
De leur côté, peu après la fin des pourparlers, les Pays-Bas, l’Irlande, la Belgique et la République tchèque ont annoncé successivement expulser des diplomates russes soupçonnés d’espionnage.
A Istanbul, le négociateur ukrainien a expliqué que Kiev réclamait un « accord international » signé par plusieurs pays garants qui « agiront de façon analogue à l’article 5 de l’Otan et même de façon plus ferme ». L’article 5 du traité de l’Alliance atlantique stipule qu’une attaque contre l’un de ses membres est une attaque contre tous.
M. Arakhamia a cité, parmi les pays que l’Ukraine voudrait avoir comme garants, les Etats-Unis, la Chine, la France et la Grande-Bretagne – membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU – mais aussi la Turquie, l’Allemagne, la Pologne et Israël.
Kiev demande également que cet accord n’interdise en rien l’entrée de l’Ukraine dans l’UE, et propose que la Crimée et les territoires du Donbass sous contrôle des séparatistes prorusses en soient « temporairement exclus ».
Pour résoudre la question spécifique de la Crimée, annexée par la Russie en 2014, Kiev propose « quinze ans » de pourparlers russo-ukrainiens séparés, selon un autre négociateur ukrainien, Mykhaïlo Podoliak.
Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Cavusoglu a estimé que la rencontre de mardi – à laquelle participait l’oligarque russe Roman Abramovitch – avait produit les « progrès les plus significatifs depuis le début des négociations ».
Les deux délégations avaient été accueillies par le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui les avait exhortées à mettre un terme à cette « tragédie », qui a déjà déplacé quelque dix millions d’Ukrainiens dont quatre millions ont fui leur pays, selon l’ONU.
Aucun bilan fiable des victimes de ce conflit n’a pour l’heure été fourni. Le président Zelensky a fait état dimanche de 20.000 morts depuis le début de l’invasion russe, sans préciser s’il s’agissait d’Ukrainiens seulement ou aussi de Russes, de civils seulement ou aussi de militaires.
Après les déclarations des négociateurs, le président américain Joe Biden s’est entretenu un peu moins d’une heure avec les dirigeants français, britannique, allemand et italien.
Reprise de terrain
Quant aux combats sur le terrain, le ministre russe de la Défense a estimé que la Russie avait atteint son « objectif »: « le potentiel militaire des forces armées ukrainiennes a été réduit de manière significative, ce qui permet de concentrer l’attention et les efforts sur le but principal, la libération du Donbass », a déclaré Sergueï Choïgou.
Dans la région de Kiev, Les troupes russes ont effectué plus de 40 tirs de missiles et de roquettes en 24 heures sur des zones d’habitation, détruisant plus de 550 cibles, a annoncé l’administration militaire régionale sur Telegram.
La veille, les autorités ukrainiennes avaient annoncé lundi avoir « libéré » Irpin, théâtre de féroces combats à vingt km au nord-ouest de Kiev.
Mardi, la situation semblait relativement calme dans cette localité, où l’on entendait toutefois des tirs sporadiques, selon des journalistes de l’AFP.
Des soldats bloquaient néanmoins l’accès des journalistes au pont détruit permettant d’entrer dans la ville, expliquant que les forces ukrainiennes étaient toujours en train de « nettoyer » la zone.
Nouvelles frappes russes
Dans l’ouest du pays, les forces russes ont aussi bombardé mardi l’aérodrome militaire de Starokostiantyniv, détruisant tous les stocks de carburant de cette ville, a annoncé son maire Mykola Melnytchouk.
Dans le sud, une frappe russe a touché mardi matin le bâtiment de l’administration régionale de Mykolaïv, ville proche d’Odessa qui connaissait un répit dans les bombardements ces derniers jours.
Au moins sept personnes sont mortes et 22 autres blessées, selon un nouveau bilan donné par le président Zelensky lors d’une intervention en visioconférence devant le Parlement danois,.
Des journalistes ont vu les secours sortir deux corps des gravats, et le bâtiment éventré sur toute sa hauteur.
Dans le sud, trois couloirs humanitaires ont été mis en place mardi, notamment depuis la ville assiégée de Marioupol, après une suspension lundi des évacuations de civils, a indiqué la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk sur Telegram.
Crime contre l’humanité
M. Zelensky a accusé mardi les Russes de « crime contre l’humanité » à Marioupol, cité portuaire stratégique sur la mer d’Azov dont l’armée russe tente de s’emparer depuis fin février, où environ 160.000 personnes seraient toujours coincées.
« Ils font même sauter des abris alors qu’ils savent pertinemment que des civils s’y cachent, des femmes, des enfants et des vieillards », a-t-il ajouté.
Selon Tetyana Lomakina, conseillère de la présidence ukrainienne, « environ 5.000 personnes » y ont été enterrées, mais il pourrait y avoir en réalité « autour de 10.000 morts ».
Emmanuel Macron s’entretenait en fin d’après-midi avec Vladimir Poutine au téléphone « pour sécuriser l’opération humanitaire à Marioupol », si possible « dans les tout prochains jours ».
Autre sujet de préoccupation: la situation des centrales nucléaires de l’Ukraine. L »Agence internationale de l’énergie atomique a annoncé que son directeur général se trouvait en Ukraine « pour des discussions avec des responsables du gouvernement » afin de fournir « une assistance technique » garantissant la sécurité des installations nucléaires.
Sur le front économique, l’enseigne française Decathlon a annoncé suspendre son activité en Russie pour des problèmes d’approvisionnement, contrairement aux deux autres enseignes de la galaxie Mulliez, Leroy Merlin et Auchan.
Culture
Insolite : Des retraitées s’invitent sur le podium de la Fashion week de Vienne
À la Fashion week de Vienne, des mannequins de 60 à plus de 80 ans ont défilé, brisant les stéréotypes liés à l’âge. Une initiative inédite en Autriche, portée par la créativité et la volonté d’inclusion.
Brigitte Hrdlicka, 63 ans, résume parfaitement l’esprit de cette révolution discrète dans le monde de la mode : « C’est fini, les mamies assises à ne rien faire ». Alors qu’elle met la dernière main à sa création avant le défilé, elle incarne, avec neuf autres retraitées, un changement de regard sur l’âge et la vieillesse. Ces femmes, âgées de 60 à plus de 80 ans, ont défilé sur le podium de la Fashion week de Vienne, dans une célébration de la diversité et de l’inclusion.
Ce projet inédit en Autriche est le fruit de plusieurs mois de travail, où les participantes ont conçu et réalisé leurs tenues à partir de matériaux de récupération. Loin d’être des novices, elles ont été guidées par Irina Reichel, animatrice d’ateliers de couture pour retraités. En voyant ces mannequins d’un jour défiler avec assurance et élégance, le message est clair : l’âge n’est plus une limite, et la mode devient un outil pour déconstruire les préjugés.
Le spectacle, loin d’être une simple performance, revendique une prise de position contre l’âgisme et met en avant une joie de vivre palpable. Sur le podium, chaque femme rayonne, reflétant une pluralité de styles : du léopard audacieux aux robes de mariée colorées, il y en a pour tous les goûts. Ce défilé ne fait pas seulement écho à une tendance globale d’ouverture à la diversité dans la mode, mais il s’impose comme un événement symbolique. Si les icônes comme Naomi Campbell ou Claudia Schiffer ont déjà démontré qu’il est possible de célébrer la beauté à tous les âges, ces femmes viennoises montrent que l’élégance et la modernité n’ont pas d’âge non plus.
Les jeunes spectatrices, admiratives, s’imaginent déjà suivre leur exemple à un âge avancé, tandis que les retraitées comme Verena Heger, 60 ans, applaudissent l’initiative. « Ce n’est pas parce qu’on a plus de 60 ans qu’on fait des choses ringardes ! », s’exclame-t-elle, résumant la fierté et la modernité de cette nouvelle génération de femmes âgées qui refusent d’être invisibles.
Avec son ambiance festive, son tapis rouge et ses créations uniques, ce défilé aura marqué les esprits, prouvant que la mode est un terrain où chacun peut trouver sa place, peu importe son âge.
Europe
Victoire historique de la justice européenne contre Apple et Google
La Cour de justice de l’Union européenne a tranché en faveur de la Commission européenne dans deux affaires majeures impliquant Apple et Google, infligeant des sanctions financières record et marquant un tournant dans la lutte contre les abus des géants de la tech.
Mardi, la justice européenne a confirmé deux décisions aux lourds enjeux financiers, donnant raison à la Commission européenne face à Apple et Google. La commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, s’est félicitée de cette issue, la qualifiant de « grande victoire pour les citoyens européens », soulignant son importance pour l’équité des règles économiques et la justice fiscale.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dernière instance dans ces affaires, a ordonné à Apple de rembourser 13 milliards d’euros à l’Irlande, correspondant à des avantages fiscaux illégaux, assimilés à une aide d’État. En parallèle, Google a vu confirmée une amende de 2,4 milliards d’euros pour abus de position dominante, infligée pour avoir favorisé son service de comparaison de prix au détriment de ses concurrents.
L’affaire Apple remonte à 2016, lorsque la Commission européenne avait demandé à l’entreprise de rembourser les impôts non perçus par l’Irlande entre 2003 et 2014. Durant cette période, Apple a rapatrié la majorité de ses bénéfices européens en Irlande, bénéficiant d’un taux d’imposition presque nul, allant de 1 % à 0,005 %. En 2020, le Tribunal de l’UE avait annulé cette décision, infligeant un sérieux revers à Margrethe Vestager. Cependant, en novembre 2023, l’avocat général de la CJUE avait recommandé d’annuler ce jugement initial et de renvoyer l’affaire au tribunal. La Cour a finalement confirmé que l’Irlande avait accordé une aide illégale à Apple, scellant ainsi l’obligation de remboursement. Apple a réitéré son désaccord, affirmant que l’entreprise n’avait bénéficié d’aucun traitement fiscal particulier.
Dans l’autre dossier, la CJUE a confirmé la sanction de 2,4 milliards d’euros imposée à Google pour avoir abusé de sa position dominante en favorisant son comparateur Google Shopping dans les résultats de recherche, rendant ses concurrents quasiment invisibles pour les utilisateurs. Cette amende, imposée en 2017, est l’une des nombreuses sanctions financières infligées à Google pour des pratiques anticoncurrentielles, le total des amendes infligées au groupe dépassant les 8 milliards d’euros. Google a exprimé sa déception face à ce verdict, rappelant avoir déjà ajusté ses pratiques en 2017 pour répondre aux exigences européennes.
Ces décisions marquent un tournant dans la régulation des géants de la technologie, tant en Europe qu’aux États-Unis, où Google fait également face à plusieurs enquêtes et procès. Elles réaffirment la volonté de la Commission européenne de réguler les pratiques des entreprises multinationales pour garantir une concurrence équitable et une fiscalité juste au sein de l’Union.
Europe
Rome envisage de faire payer l’accès à la fontaine de Trevi
Face à l’afflux massif de visiteurs à la fontaine de Trevi, la municipalité de Rome étudie l’idée d’instaurer un accès payant pour les touristes. Cette mesure vise à protéger ce site emblématique tout en préservant l’expérience locale et culturelle des Romains.
La fontaine de Trevi, chef-d’œuvre baroque et symbole incontournable de la Ville éternelle, attire chaque année des millions de touristes. Afin de répondre au défi croissant du surtourisme, les autorités romaines envisagent de mettre en place un système de gestion plus strict de l’accès à ce lieu mythique. Alessandro Onorato, adjoint au tourisme à la mairie, a ainsi suggéré l’instauration d’horaires d’accès précis et de quotas de visiteurs pour mieux encadrer la foule et limiter les débordements.
Cette initiative, encore à l’étude, proposerait aux visiteurs de réserver des créneaux horaires, un dispositif permettant de contrôler non seulement le flux des touristes, mais aussi leurs comportements souvent inappropriés. L’un des objectifs principaux est d’éviter des scènes de désordre, telles que la consommation de nourriture sur les marches entourant la fontaine. Onorato a précisé que ce système de réservation ne serait pas une source de revenus pour la ville : les Romains auraient un accès gratuit, tandis que les touristes étrangers se verraient demander un modeste droit d’entrée d’un euro.
Toutefois, il n’y a encore aucune décision ferme. Un porte-parole de la municipalité a tempéré l’enthousiasme autour de ce projet en rappelant qu’il ne s’agit pour l’instant que d’une ébauche d’idée. Pourtant, le problème du tourisme de masse devient de plus en plus pressant, avec un nombre croissant de visiteurs dans la capitale italienne. Ce phénomène devrait s’intensifier à l’approche du Jubilé de 2025, une année sainte qui pourrait attirer près de 30 millions de personnes à Rome et au Vatican.
Rome n’est pas la seule ville italienne confrontée à ce défi. Venise, autre site emblématique, a déjà testé un système de billets payants pour les visiteurs à la journée lors des périodes d’affluence, une mesure destinée à canaliser les flux touristiques. Parallèlement, le gouvernement de Giorgia Meloni réfléchit à une hausse significative de la taxe de séjour, une proposition qui suscite la colère des professionnels du secteur touristique, craignant une baisse de la fréquentation.
Outre la gestion des flux, les autorités romaines veulent également préserver le centre historique de la capitale en limitant l’ouverture de nouvelles structures d’hébergement touristique. Toutefois, ce pouvoir échappe pour l’instant à la municipalité. Si elle peut encadrer l’implantation de nouveaux restaurants et fast-foods dans cette zone, elle n’a pas la compétence pour réguler le développement des chambres d’hôtes ou des logements de vacances.
La volonté de Rome d’encadrer l’accès à ses trésors culturels illustre bien le dilemme auquel sont confrontées les grandes métropoles européennes : préserver leur patrimoine tout en accueillant un tourisme toujours plus florissant.
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