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Le nord du Nigeria en pleine hémorragie écologique

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Autrefois terre d’abondance, la région de Kebbi voit sa biodiversité s’effondrer sous l’effet combiné du réchauffement climatique et des pressions humaines.

Les récits des anciens d’Argungu ressemblent à des contes oubliés. Dans cette zone du nord-ouest nigérian, les crocodiles évitaient jadis les rives le vendredi, les poissons pullulaient au point de tomber des arbres, et les hippopotames peuplaient les eaux du fleuve Sokoto. Aujourd’hui, ces scènes n’existent plus que dans les mémoires. Les pélicans ont déserté leurs haltes migratoires, les coquillages utilisés pour les cosmétiques traditionnels ont disparu, et les oiseaux ne ramènent plus de poissons pour nourrir leurs petits.

La région subit de plein fouet les conséquences du dérèglement climatique. Située aux portes du Sahel, elle enregistre une hausse alarmante des températures, une baisse des précipitations et une avancée rapide de la désertification. Les plans d’eau rétrécissent, privant les espèces migratrices de leurs habitats et de leurs ressources alimentaires. Les scientifiques alertent sur un risque d’extinction pour plus d’un tiers des poissons d’eau douce d’ici la fin du siècle si la tendance se poursuit.

L’activité humaine accélère cette dégradation. La population de Kebbi, l’une des plus fécondes du pays, exerce une pression croissante sur les écosystèmes. La coupe intensive des arbres pour le bois de chauffage a fait disparaître les dattiers, les karités et les kapokiers, tandis que le pompage excessif des nappes phréatiques assèche les marais. Malgré sa faible contribution aux émissions mondiales de gaz à effet de serre, l’Afrique paie un lourd tribut, avec une productivité agricole en chute libre depuis soixante ans.

Face à ce constat, les autorités locales tentent de réagir. L’émir d’Argungu a instauré des quotas de pêche pour préserver les stocks halieutiques, une mesure impopulaire mais vitale pour éviter un exode massif. Car si les pêcheurs parviennent encore à vivre de leur activité, les agriculteurs des zones éloignées du fleuve voient leurs récoltes de millet diminuer de 40%. Beaucoup se tournent vers des cultures de survie comme la canne à sucre, tandis que les Nations unies prévoient une insécurité alimentaire critique pour 15% des Nigérians dès l’an prochain.

Ce tableau alarmant illustre un paradoxe cruel : les régions les moins responsables du réchauffement climatique en subissent les effets les plus dévastateurs. À Argungu, où les températures dépassent régulièrement les 40°C, la rivière Matan Fada n’est plus qu’une ombre de ce qu’elle fut. Symbole d’une nature jadis généreuse, elle se réduit comme peau de chagrin, emportant avec elle un pan entier de la culture et des traditions locales.

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