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Au cœur de l’enfer soudanais : le courage des journalistes qui résistent

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Malgré les persécutions et le black-out médiatique, une poignée de reporters continue de documenter l’horreur de la guerre, souvent au péril de leur vie.

Dans l’ouest du Soudan, des professionnels des médias grimpent sur des collines à la frontière tchadienne, scrutant désespérément leur téléphone pour capter un signal. Ces images symbolisent le calvaire de ceux qui tentent encore de raconter un conflit oublié, où l’information est devenue une denrée rare et dangereuse.

Depuis deux ans, les affrontements entre l’armée régulière et les milices paramilitaires ont transformé le pays en zone de non-droit pour la presse. Vingt-huit reporters ont péri, des dizaines subissent la torture ou la détention, tandis que la majorité de leurs collègues ont choisi l’exil. Ceux qui persistent survivent sans électricité, sans eau courante, souvent contraints de parcourir des kilomètres pour recharger leurs appareils avec des installations solaires de fortune.

À El-Geneina, une journaliste a risqué sa vie pour révéler les massacres ethniques perpétrés contre les Massalit. Après avoir vu son matériel confisqué à plusieurs reprises, elle a finalement fui vers l’est du pays, pour se retrouver arrêtée sous de fausses accusations. Libérée contre la promesse de soumettre ses articles à la censure militaire, elle vit désormais dans un silence forcé.

Plus au centre, un reporter sexagénaire survit en élevant du bétail et en cultivant des céréales, son salaire ayant disparu avec la fermeture des rédactions. Capturé par les paramilitaires, il a enduré des heures d’interrogatoire avant d’être assigné à résidence. Comme beaucoup d’autres, il travaille dans l’ombre, signant sous pseudonyme, conscient que le simple fait d’exercer son métier est considéré comme un crime.

Au Darfour, un photographe documente clandestinement la détresse des civils pris entre la famine et les violences. Après cinq jours de torture et la saisie de son équipement, il a envoyé sa famille à l’abri mais refuse de quitter son poste. « Si nous partons, qui racontera cette tragédie ? » interroge-t-il, branchant son téléphone à une prise de fortune pour transmettre ses images au monde extérieur.

Dans ce conflit où les belligérants instrumentalisent l’information, ces voix isolées constituent souvent le dernier rempart contre l’effacement de la vérité. Leur ténacité, payée au prix fort, rappelle que les guerres se gagnent aussi par les mots et les images – quand il reste des témoins pour les porter.

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