De Ciudad Juárez à Tegucigalpa, les migrants rendent hommage au souverain pontife qui a incarné leur combat face aux politiques répressives.
La disparition du pape François a résonné comme un coup de tonnerre parmi les communautés migrantes d’Amérique latine. Pour ces hommes et ces femmes souvent relégués aux marges des sociétés, le jésuite argentin restera celui qui a élevé la voix contre les murs et les exclusions. À Ciudad Juárez, ville-frontière symbole des tensions migratoires entre le Mexique et les États-Unis, Yulieth Cuéllar, une Colombienne de 28 ans, se souvient d’un homme « qui portait nos souffrances dans ses prières ». Comme des milliers d’autres, elle vit aujourd’hui dans l’attente, coincée par le durcissement des politiques de l’administration Trump.
C’est dans cette même ville que François avait livré l’un de ses plaidoyers les plus marquants en 2016, dénonçant les « injustices cruelles » subies par les exilés : exploitations, violences, extorsions. Face à une croix plantée près de la frontière, bien avant que celle-ci ne se hérisse de barrières métalliques, il avait appelé à remplacer « les murs par des ponts ». Une vision radicalement opposée à celle de l’ancien président américain, dont il critiqua ouvertement les mesures dès 2016, jugeant qu’elles trahissaient les valeurs chrétiennes.
Les mots du pape résonnent encore au Honduras, où Ericxon Serrano, un Vénézuélien en route vers son pays d’origine, salue sa mémoire : « Il nous donnait la force de croire en notre dignité. » Plus au sud, au Chili, Marisela Guerrero, arrivée il y a quelques mois, évoque un guide spirituel qui « comprenait la détresse de ceux qui tout quittent ». Pourtant, malgré son influence, François n’a pu freiner la machine répressive de Washington. Les expulsions massives et les restrictions se sont multipliées, réduisant comme une peau de chagrin l’espoir d’un accueil digne.
Près du poste-frontière de Ciudad Juárez, une statue de bronze à l’effigie du pape veille toujours sur les déshérités. Pour le père Francisco Calvillo, ancien responsable d’un centre d’accueil, ce monument incarne un héritage à préserver : celui d’une Église tournée vers les plus vulnérables. Alors que Donald Trump a annoncé sa présence aux obsèques, une ironie amère plane sur ces terres de transit. Car si les hommages officiels se multiplient, c’est dans le silence des routes migratoires que résonne le plus fort le chagrin de ceux qui ont perdu leur plus fervent avocat.