Les îles françaises multiplient les pistes pour transformer ces algues envahissantes en ressources, malgré des défis techniques et sanitaires majeurs.
Depuis plus d’une décennie, les côtes martiniquaises et guadeloupéennes subissent les assauts répétés des sargasses, ces algues brunes dont la décomposition libère des émanations toxiques. Si la lutte contre leur prolifération mobilise des millions d’euros, la question de leur valorisation économique avance lentement, entre contraintes réglementaires et incertitudes techniques.
Lors d’un récent colloque dédié, les élus locaux ont souligné la nécessité d’approfondir la recherche avant d’envisager des débouchés industriels. « Investir massivement sans garantie d’approvisionnement durable serait risqué », a notamment fait valoir un responsable régional, évoquant les aléas des échouages. Les budgets alloués à la collecte et au stockage provisoire dépassent déjà 30 millions d’euros sur six ans pour la seule Guadeloupe, selon les chiffres officiels.
Au-delà des nuisances olfactives et touristiques, ces algues perturbent les écosystèmes marins et posent un défi sanitaire inédit. Leur contamination par des résidus de pesticides comme la chlordécone ou par des métaux lourds complique leur recyclage. « La réglementation française impose une dépollution préalable, ce qui renchérit les procédés », explique une experte en économie circulaire.
Parmi les pistes explorées figurent la fabrication de biocarburants, de matériaux de construction ou d’engrais agricoles. Des chercheurs testent notamment un procédé pour réduire la teneur en arsenic des sargasses afin de produire un fertilisant liquide. Mais le passage du laboratoire à l’échelle industrielle bute sur des obstacles techniques et financiers. « Chaque solution doit être éprouvée avant d’être généralisée », insiste une spécialiste martiniquaise.
Face à ces complexités, les collectivités plaident pour une mutualisation des moyens à l’échelle caribéenne. La création de sites de stockage sécurisés et la standardisation des méthodes de traitement figurent parmi les priorités. Certains responsables militent également pour une reconnaissance internationale du phénomène, susceptible de mobiliser davantage de fonds et d’expertises.
Alors qu’un nouveau plan national est en préparation, la course contre la montre se poursuit. Entre urgence écologique et patience scientifique, les Antilles françaises tentent de convertir une calamité en opportunité, sans garantie de succès à court terme.