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Économie

L’Indonésie sacrifie ses forêts papoues pour son autosuffisance alimentaire

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Un vaste projet agricole menace d’accélérer la déforestation et d’aggraver les tensions dans une région déjà fragilisée par des conflits ethniques.

L’Indonésie lance une offensive agricole sans précédent en Papouasie, avec l’ambition de réduire sa dépendance aux importations de riz. Ce programme, présenté comme une priorité nationale, prévoit la conversion de millions d’hectares de forêts en terres cultivables. Mais derrière les promesses d’indépendance alimentaire se profile une catastrophe écologique et humaine.

Les images satellites révèlent une déforestation massive déjà engagée dans la province de Merauke, où plus de 11 000 hectares de zones boisées ont été rasés. Des écosystèmes uniques, abritant des espèces menacées et des tourbières riches en carbone, disparaissent sous les bulldozers. Les organisations environnementales dénoncent un revirement dramatique : après des années d’efforts pour limiter la déforestation, l’État indonésien en devient aujourd’hui le principal instigateur.

Les conséquences dépassent le cadre écologique. En Papouasie, région en proie à un conflit indépendantiste latent, ce projet exacerbe les tensions sociales. Les communautés autochtones, marginalisées, subissent pressions et intimidations. L’armée, étroitement associée aux opérations de défrichement, distribue matériel agricole tout en muselant les oppositions locales. Un mélange des genres qui rappelle les pires heures de la colonisation intérieure.

Sur le terrain, les premiers résultats agricoles suscitent le scepticisme. Les sols acides de Papouasie semblent peu adaptés à la riziculture intensive, selon les experts agronomes. Pourtant, le gouvernement maintient son calendrier, promettant la fin des importations de riz dès 2025. Un pari risqué, qui pourrait se payer au prix fort : dégradation irréversible de la biodiversité, recul des engagements climatiques, et aggravation des fractures sociales dans une région où la question identitaire reste une poudrière.

Les alternatives existent pourtant. Réhabiliter les terres agricoles abandonnées dans d’autres provinces, plutôt que d’attaquer les ultimes sanctuaires forestiers de Papouasie. Mais cette option nécessiterait une planification minutieuse et un dialogue avec les populations locales – deux ingrédients qui font cruellement défaut à ce projet mené tambour battant. Entre urgence alimentaire et urgence écologique, l’Indonésie semble avoir fait un choix dont les conséquences pèseront sur plusieurs générations.

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