Cinq ans après le Covid : les cicatrices d’une crise qui a bouleversé les mémoires
La pandémie a laissé des traces indélébiles dans la société française, entre deuils, fractures sociales et défiance envers les institutions. L’anthropologue Laëtitia Atlani-Duault revient sur ces marques profondes et plaide pour un devoir de mémoire collectif.
Cinq ans après le début de la pandémie de Covid-19 et le premier confinement, les souvenirs de cette période restent gravés dans les esprits. Laëtitia Atlani-Duault, anthropologue à l’université Paris-Cité et ancienne membre du conseil scientifique, explore ces mémoires dans son ouvrage * »Covid-19 Ad Memoriam, Fragments pour les mémoires »*. À travers des témoignages anonymes, des photographies d’objets du quotidien conservés au MuCem de Marseille et des dessins de presse, elle retrace les multiples facettes de cette crise sans précédent.
Pour beaucoup, la pandémie a été un moment de rupture, marqué par des expériences douloureuses : des proches disparus sans adieux, des familles séparées par les frontières, des enfants confinés avec des parents télétravaillant, ou encore des couples fragilisés par cette cohabitation forcée. Les Ehpad, en première ligne, ont également été le théâtre de drames humains. Pourtant, cette période a aussi révélé des solidarités inédites : des voisins s’entraidant, des communautés inventant des solutions locales, et des familles se rapprochant malgré l’éloignement physique.
Cependant, la crise a exacerbé les inégalités sociales. Les plus vulnérables, qu’ils soient âgés, précaires ou issus de l’immigration, ont été les plus durement touchés. Les mesures uniformes prises pour gérer la crise ont souvent aggravé ces disparités, laissant des cicatrices profondes dans le tissu social. Aujourd’hui, bien que la page sanitaire semble tournée, les effets différés de la pandémie persistent. Les cas de Covid long, la souffrance sociale et la défiance envers les institutions, notamment autour de la vaccination, témoignent de cette empreinte durable.
Face à ces marques, Laëtitia Atlani-Duault plaide pour un devoir de mémoire collectif. Elle propose la création d’une journée nationale d’hommage, le 17 mars, pour honorer les victimes, les soignants et la société dans son ensemble. Plusieurs propositions de loi ont été déposées en ce sens, mais aucune n’a abouti. En parallèle, l’anthropologue prépare l’ouverture d’un lieu de mémoire dédié à la pandémie, rue de l’École de médecine à Paris. Cet espace, qui accueillera expositions et conférences, visera à transmettre les enseignements de cette crise aux générations futures et à mieux se préparer aux défis à venir.
Alors que certaines mairies ont déjà érigé des monuments commémoratifs, l’absence d’initiative nationale interroge. Pour Laëtitia Atlani-Duault, il est essentiel de ne pas tout attendre de l’État et de construire ensemble une mémoire plurielle de cette période. Car au-delà des deuils et des fractures, la pandémie a aussi révélé la résilience et la capacité d’adaptation d’une société confrontée à l’inconnu.