Au cœur des montagnes de Taëf, une tradition séculaire transforme des millions de pétales en or liquide, entre savoir-faire artisanal et défis climatiques.
Dans les hauteurs de l’ouest saoudien, une cité montagneuse cultive depuis des générations l’un des trésors les plus précieux du pays : la rose de Damas. Taëf, surnommée « la cité des roses », abrite des centaines de fermes florales où des millions de fleurs éclosent chaque printemps, sous le regard attentif d’agriculteurs passionnés. Parmi eux, un octogénaire voue à ces pétales délicats un amour quasi filial, perpétuant un héritage familial vieux de cinquante ans.
La récolte, entièrement manuelle, mobilise des travailleurs dès l’aube pour cueillir les fleurs à leur apogée. Les pétales sont ensuite distillés selon des méthodes traditionnelles, transformés en une huile essentielle rare et en eau de rose, utilisée jusqu’à La Mecque pour purifier les lieux saints. Cette production locale, très prisée, peine à répondre à la demande régionale, limitant les exportations malgré son potentiel international dans l’industrie du luxe.
Pourtant, cet artisanat fragile est menacé. Les aléas climatiques, amplifiés par le réchauffement global, perturbent les cycles de floraison. Sécheresses, gels inattendus ou canicules compromettent les récoltes, comme en témoignent certaines années catastrophiques où les champs sont restés désespérément vides. Malgré ces incertitudes, les cultivateurs s’accrochent à leur terre avec une détermination touchante. Pour eux, ces roses ne sont pas qu’une culture : elles incarnent une histoire, une identité, une passion transmise de père en fils.
Au crépuscule de sa vie, l’un de ces gardiens de la tradition confie, ému, que ces champs sont bien plus qu’un gagne-pain. Ils sont le souffle de son existence, un héritage qu’il protégera jusqu’à son dernier jour. Dans un paysage saoudien souvent associé aux dunes et aux gratte-ciel, Taëf rappelle avec poésie que le royaume cache aussi des oasis de douceur, où le parfum des roses se mêle à la persévérance des hommes.