Le texte, censé apaiser la colère des agriculteurs, a été partiellement censuré. Les Sages ont notamment rejeté des dispositions sur la souveraineté alimentaire et les normes environnementales.
Le Conseil constitutionnel a rendu jeudi une décision majeure en censurant près d’un tiers des articles de la loi d’orientation agricole (LOA). Ce texte, adopté en février dans un contexte de tensions avec le monde agricole, visait à répondre aux revendications des exploitants, notamment sur la réduction des contrôles et des normes. Cependant, plusieurs mesures clés ont été jugées inconstitutionnelles, relançant le débat sur l’équilibre entre agriculture et environnement.
Parmi les dispositions censurées figure la présomption de « bonne foi » des agriculteurs lors des contrôles, une proposition portée par la Coordination rurale, syndicat agricole critique envers la police de l’environnement (OFB). Les Sages ont également rejeté la notion de « non intentionnalité » pour certaines infractions environnementales, tout en maintenant la dépénalisation de ces dernières lorsqu’elles ne sont pas commises de manière délibérée. Les contrevenants pourront désormais écoper d’une amende administrative de 450 euros maximum ou suivre un stage de sensibilisation.
Autre point contesté, le principe de « non-régression de la souveraineté alimentaire », ajouté par les sénateurs, a été invalidé. Ce concept, calqué sur celui de la non-régression environnementale, avait suscité des doutes quant à sa portée juridique, la protection de l’environnement étant déjà inscrite dans la Constitution. Malgré cette censure, le ministère de l’Agriculture assure que l’objectif de souveraineté alimentaire sera poursuivi à travers des conférences dédiées.
Le Conseil constitutionnel a également retoqué une disposition visant à limiter les normes nationales aux exigences minimales européennes, une demande forte des syndicats agricoles comme la FNSEA ou la Coordination rurale. Ces derniers dénoncent régulièrement la « surtransposition » des règles européennes, notamment sur les produits phytosanitaires. Laurent Duplomb (LR), rapporteur de la loi au Sénat, a exprimé son regret face à ces censures, estimant qu’elles touchaient des points essentiels pour l’avenir de l’agriculture française.
En revanche, certaines mesures controversées ont été validées. C’est le cas de l’article invitant le gouvernement à ne pas interdire les usages de produits phytopharmaceutiques autorisés par l’Union européenne en l’absence d’alternatives viables. Cette disposition, surnommée « pas d’interdiction sans solution », était un cheval de bataille de la FNSEA. De même, la présomption d’urgence pour les contentieux liés à la construction de réserves d’eau a été maintenue.
Enfin, le Conseil a censuré l’exclusion des bâtiments agricoles du calcul de l’artificialisation des sols dans le cadre de l’objectif « zéro artificialisation nette », jugeant cet article « cavalier ». En revanche, des mesures comme la simplification de la législation sur les haies ou la création d’un guichet unique départemental pour les agriculteurs n’ont pas été contestées.
Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, a salué une décision qui « valide l’essentiel des mesures concrètes pour les agriculteurs ». Pour Benoît Biteau, député écologiste, cette censure représente une « petite victoire » face aux reculs environnementaux initialement prévus. Le texte, bien qu’amputé, marque une étape dans la réorientation des politiques agricoles françaises.