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La fin d’une époque : la favela Moinho, dernier bastion populaire du cœur de São Paulo, sous les bulldozers

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Les autorités brésiliennes ont lancé l’évacuation forcée du dernier quartier informel du centre-ville, déclenchant colère et tensions sociales.

Au milieu des gratte-ciel et des rues animées du centre de São Paulo, un îlot de résistance populaire vit ses dernières heures. La favela Moinho, ultime vestige d’une époque où les plus démunis pouvaient encore se loger près du centre économique brésilien, est en cours de démolition. Les habitants, environ 900 familles, se battent depuis des semaines contre cette décision, mais les pelleteuses ont commencé leur travail sous escorte policière.

Les tensions ont atteint leur paroxysme cette semaine lorsque les forces de l’ordre ont dispersé une manifestation à coups de balles en caoutchouc et de gaz lacrymogène. Des scènes de violence ont éclaté, avec des policiers pénétrant dans les habitations, armes au poing, accompagnés de chiens d’intervention. Pour les résidents, cette répression marque la fin d’un combat inégal face à la spéculation immobilière et aux projets de requalification urbaine.

Après des négociations tendues, les autorités ont finalement proposé une indemnisation : 250 000 réais (environ 40 000 euros) par famille pour quitter les lieux. Une somme jugée insuffisante par beaucoup, mais qui constitue une concession par rapport à l’offre initiale, limitée à des prêts immobiliers. Pour Cintia Bonfim, commerçante installée depuis dix-huit ans dans le quartier, cette compensation ne suffira pas à effacer le sentiment d’injustice. « Je n’ai pas choisi de vivre ici par plaisir, mais par nécessité », confie-t-elle, évoquant ses années de précarité avant de pouvoir ouvrir sa boulangerie.

Derrière ce bras de fer se cache un enjeu politique plus large. Le gouverneur de São Paulo, proche de l’ancien président Bolsonaro, défend ce projet comme une étape nécessaire pour moderniser la ville. À l’inverse, le gouvernement fédéral, dirigé par Lula, a tenté d’imposer des garanties pour les habitants, craignant une expulsion brutale. L’affaire illustre les clivages profonds qui traversent le Brésil, entre logiques économiques et droits des plus vulnérables.

Avec la disparition de Moinho, c’est un pan de l’histoire urbaine de São Paulo qui s’efface. Les autres favelas du centre ont déjà été rasées au fil des ans, repoussant toujours plus loin les populations modestes. Désormais, ces quartiers informels se concentrent en périphérie, loin des emplois et des services. Une relégation qui, pour beaucoup, symbolise l’aggravation des inégalités dans la mégalopole brésilienne.

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