En cinq ans, les fraudes détectées par l’Assurance maladie ont plus que doublé, atteignant 628 millions d’euros en 2024. Une augmentation qui reflète à la fois une lutte renforcée et une montée en puissance des escroqueries organisées.
Les chiffres publiés par l’Assurance maladie révèlent une nette augmentation des fraudes détectées, passant de 300 millions d’euros en 2019 à 628 millions en 2024. Cette hausse s’explique par une intensification des contrôles, mais aussi par une professionnalisation des réseaux frauduleux. Les professionnels de santé en ville représentent la majorité des montants détectés, avec 416 millions d’euros, soit 68 % du total. Les assurés sociaux sont à l’origine de 109 millions d’euros de fraudes, tandis que les établissements de santé, comme les hôpitaux et les cliniques, comptent pour 14 %.
Parmi les secteurs les plus touchés, celui des audioprothèses arrive en tête, avec 115 millions d’euros de fraudes identifiées, soit quatre fois plus qu’en 2023. La réforme du « 100 % santé », bien qu’elle ait facilité l’accès aux soins, a également ouvert la voie à des abus. Des sociétés fictives, des audioprothésistes non diplômés et des facturations frauduleuses ont proliféré, souvent en complicité avec des prescripteurs et des patients. En 2024, l’Assurance maladie a examiné 55 000 factures d’audioprothèses, en rejetant 20 000 pour irrégularités.
Les fraudes liées aux arrêts de travail ont également explosé, atteignant 42 millions d’euros, soit 2,4 fois plus qu’en 2023. Les réseaux sociaux jouent un rôle clé dans cette recrudescence, avec des kits prêts à l’emploi comprenant de faux arrêts de travail et des certificats médicaux falsifiés. Selon Marc Scholler, directeur délégué en charge de la lutte contre la fraude, les méthodes des escrocs se sont sophistiquées. Des individus extérieurs au secteur de la santé s’y greffent désormais, recrutant des « mules » via les réseaux sociaux pour participer à des schémas frauduleux, parfois à leur insu.
Pour faire face à ces menaces, l’Assurance maladie a renforcé ses moyens. Elle a augmenté de 10 % ses effectifs dédiés à la lutte contre la fraude, portant leur nombre à 1 600 agents. Des outils numériques avancés et des équipes spécialisées en cyberenquête ont également été déployés. En parallèle, la question d’une carte Vitale biométrique, souvent évoquée pour sécuriser les remboursements, reste débattue. Un rapport récent a jugé cette solution « absurde, coûteuse et inefficace », soulignant que seulement 6 millions d’euros de fraudes détectées en 2024 étaient liées à des usurpations d’identité.
Avec des dépenses totales de 257 milliards d’euros en 2024, l’Assurance maladie continue de renforcer ses dispositifs pour protéger un système de santé déjà sous tension. La lutte contre la fraude, bien qu’intensifiée, reste un défi majeur face à des réseaux toujours plus organisés et innovants.