Monde
Elections en Centrafrique: un avenir à court terme déjà lourd de risques
Les élections présidentielle et législatives, que bon nombre prédisaient impossibles à tenir, se sont déroulées dimanche contre vents et marées dans une Centrafrique en guerre civile depuis huit ans, aux deux tiers occupée par des groupes armés et menacée par une nouvelle offensive des rebelles.
Mais l’avenir est plus qu’incertain, même à court terme.
Le pouvoir du président sortant et grand favori du scrutin, Ange Faustin Touadéra, semble en sortir renforcé. Mais la légitimité de celui qui sortira vainqueur est déjà mise en cause dans un pays où une partie importante de la population a été empêchée de voter et où l’opposition et les rebelles accusent déjà le gouvernement de fraudes.
Les experts redoutent que le pays replonge rapidement dans une spirale d’affrontements sanglants après les urnes.
– Un trou noir avant les résultats ?
Des résultats provisoires doivent être annoncés dès le 4 janvier mais les définitifs pas avant le 18. Trois longues semaines… Un trou noir où tout est possible. Les bulletins des bureaux de vote, dispersés à travers une territoire grand comme la France et la Belgique et occupé aux deux tiers par des groupes armés, doivent être acheminés jusqu’à Bangui pour être comptabilisés et certifiés.
Aux élections de 2015-2016 et la victoire surprise de M. Touadéra au paroxysme de la guerre civile, d’innombrables bulletins s’étaient évanouis dans la nature.
Après la proclamation des résultats par la Cour constitutionnelle, les recalés de la présidentielle et des législatives auront une dizaine de jours pour contester la légalité du scrutin. En l’absence de majorité absolue, un second tour est prévu le 14 février.
– Quelle légitimité pour un vote sans d’innombrables électeurs ?
A Bangui, le vote s’est déroulé sans incident et a suscité une forte mobilisation, mais la capitale n’abrite qu’un million d’âmes sur les 4,9 millions d’habitants. Dans les provinces, de multiples incidents parfois violents ont empêché le vote de dizaines de milliers de personnes.
Le Comité Stratégique de Sécurisation des Elections (CSSE), qui dépend du gouvernement, a lui-même listé au moins 12 sous-préfectures où le vote n’a jamais pu commencer en province. Sans compter nombre de bureaux qui ont ouvert mais vite refermés ou désertés par des électeurs menacés de représailles s’ils s’y rendaient, selon l’ONU.
Déjà en 2015-2016, un grand nombre de bureaux de vote n’avaient finalement pas été comptabilisés, poussant la Cour constitutionnelle à annuler les résultats des législatives du premier tour. Mais pas de la présidentielle.
Bien avant dimanche, l’opposition et les rebelles dénonçaient par avance les « fraudes massives » du pouvoir pour une victoire de M. Touadéra dès le premier tour.
« Ces élections sont partielles, non crédibles et ne respectent pas les standards internationaux », juge Thierry Vircoulon, de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
« La fraude de 2016 avait été tolérée et donc légitimée par la population et l’opposition politique au nom de la paix, mais aujourd’hui, c’est toute l’opposition politique qui dénonce des truquages massifs, et qui pourrait bien, en situation post-électorale, soutenir plus directement encore la coalition des groupes armés pour faire entendre son mécontentement », analyse Nathalia Dukhan, spécialiste de la Centrafrique à l’ONG américaine The Sentry.
– Un rapport de force en faveur des groupes armés ?
S’ils ont largement perturbé ou empêché le scrutin dans les provinces, les groupes armés, rebelles ou simples prédateurs, n’ont pour l’heure pas mené à terme leur « marche sur Bangui », bloqués rapidement par les Casques bleus de la Mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca) mais surtout par d’imposants renforts en combattants d’élite déployés pour voler au secours du régime par le Rwanda et la Russie, alliée de poids de M. Touadéra depuis plus de deux ans.
Mais les rebelles pourraient maintenir un niveau de pression élevé sur les immenses territoires qu’ils occupent depuis le début de la guerre civile en 2013, d’ici aux résultats des élections mais aussi, et surtout, après.
« Le pouvoir de nuisance de la coalition armée ne disparaîtra pas avec des élections truquées et non crédibles, légitimées par la communauté internationale », estime Mme Dukhan, qui explique: « Le risque majeur sera de voir la coalition armée et l’opposition politique s’unir. Le président Touadéra a misé sur l’argent pour constituer sa base électorale, d’autres leaders politiques disposent d’une vraie popularité parmi leurs ethnies, ce qui pourrait mener à de nouveaux conflits ».
« On va entrer dans une phase post-électorale avec une escalade militaire dans les deux camps. Les groupes armés vont continuer à mettre la main sur les richesses, notamment minières, qu’ils ne contrôlent pas encore pour contraindre le gouvernement à négocier, le temps nécessaire d’organiser un putsch », avertit la chercheuse.
Europe
Accord UE-Mercosur: von der Leyen veut avancer, un bloc de pays autour de la France entend bloquer
À Montevideo, Ursula von der Leyen tente de faire avancer l’accord UE-Mercosur, mais un front de résistance mené par la France menace de le faire échouer.
L’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur, un projet ambitieux visant à créer un marché de plus de 700 millions de consommateurs, se trouve à un tournant décisif. Alors que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’efforce de finaliser les négociations lors du sommet du Mercosur à Montevideo, une coalition de pays européens, emmenée par la France, s’emploie à bloquer le processus.
Les discussions autour de cet accord, initiées en 1999, ont récemment connu un regain d’intérêt sous l’impulsion de plusieurs pays clés. Le Brésil, l’Allemagne et l’Espagne notamment, souhaitent conclure avant l’entrée en fonction de Donald Trump, qui menace de renforcer les droits de douane. Le ministre uruguayen des Affaires étrangères, Omar Paganini, a évoqué des « détails minimes » restant à régler, laissant entendre que l’accord pourrait être scellé dès vendredi. Cependant, la réalité des négociations est plus complexe.
Von der Leyen, optimiste quant à la finalisation de l’accord, a posté sur X : « La ligne d’arrivée est en vue. Travaillons ensemble, franchissons-la. » Pourtant, cette perspective est loin de faire l’unanimité. En France, le président Emmanuel Macron a clairement exprimé son opposition, déclarant que l’accord est « inacceptable en l’état ». Il a réitéré son engagement à défendre la « souveraineté agricole » française, une position soutenue par l’Elysée sur les réseaux sociaux.
Cette opposition n’est pas isolée. La France a réussi à rallier d’autres pays européens à sa cause. Le Premier ministre polonais, Donald Tusk, et l’Italie, par la voix de ses sources gouvernementales, ont également manifesté leur désapprobation. Ces pays exigent des garanties supplémentaires pour protéger leurs secteurs agricoles, craignant une concurrence déloyale de la part des produits sud-américains. Pour bloquer l’accord, il suffirait que la France et trois autres pays représentant plus de 35% de la population de l’UE s’y opposent.
Les défenseurs de l’accord mettent en avant les avantages économiques, notamment pour les exportateurs européens qui pourraient bénéficier de nouveaux débouchés, et l’importance de ne pas laisser le champ libre à la Chine. Toutefois, les critiques, principalement des ONG et des mouvements de gauche, soulignent les risques environnementaux, notamment l’accélération de la déforestation en Amazonie et l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Greenpeace a qualifié le texte de « désastreux » pour l’environnement, privilégiant les profits des entreprises.
En France, les agriculteurs, inquiets de la concurrence que pourrait engendrer cet accord, ont multiplié les manifestations pour exprimer leur désaccord. La tension autour de cet accord illustre les divergences d’intérêts entre les besoins économiques à court terme et les considérations écologiques et sociales à long terme.
L’avenir de l’accord UE-Mercosur dépendra donc non seulement des négociations techniques, mais aussi de la capacité des pays européens à concilier leurs intérêts divergents. La conférence de presse conjointe prévue à l’issue du sommet pourrait apporter des éclaircissements, mais il est clair que la route vers la ratification est encore semée d’embûches.
Europe
Grève au journal britannique The Guardian contre la vente de son édition dominicale
En réponse à la vente potentielle de The Observer, les journalistes du Guardian et de son édition dominicale entament une grève inédite depuis un demi-siècle.
Les journalistes du journal britannique The Guardian, ainsi que ceux de son édition du dimanche, The Observer, se sont mobilisés pour une grève de 48 heures, un événement marquant car il s’agit de la première action de ce type en plus de cinquante ans. Cette grève, qui coïncide avec le 233ème anniversaire de la première parution de The Observer, vise à contester la décision du Guardian Media Group (GMG) de vendre ce vénérable hebdomadaire à Tortoise Media, un site d’actualité lancé en 2019.
Le GMG avait annoncé en septembre dernier son intention de céder The Observer, reconnu par le Guinness World Records comme le plus ancien journal dominical au monde. Le syndicat National Union of Journalists (NUJ) a réagi avec vigueur, appelant à cette grève pour exprimer le mécontentement général face à ce projet de vente. Laura Davison, secrétaire générale du NUJ, a souligné l’importance de The Observer dans le paysage médiatique britannique et a plaidé pour une réévaluation des options afin de garantir un avenir pérenne pour les deux publications.
La vente à Tortoise Media, dirigé par James Harding, ancien rédacteur en chef du Times et de la BBC, et Matthew Barzun, ancien ambassadeur des États-Unis au Royaume-Uni, soulève des inquiétudes quant à l’avenir éditorial et la ligne directrice de The Observer. Les journalistes craignent que cette transaction ne modifie l’identité unique et la mission de ce journal, qui a été acquis par le Guardian Media Group en 1993.
Cette action syndicale met en lumière les tensions croissantes entre les impératifs économiques des groupes de presse et les aspirations professionnelles des journalistes à préserver l’indépendance et l’intégrité de leur travail. La grève, bien que symbolique, témoigne d’un engagement profond des rédacteurs à défendre un journal qui a marqué l’histoire du journalisme britannique.
Le débat sur l’avenir de The Observer est loin d’être clos, et cette grève pourrait bien être le prélude à des négociations plus approfondies entre les parties prenantes pour trouver une solution qui respecte l’héritage de ce journal emblématique tout en répondant aux défis contemporains de l’industrie des médias.
Monde
Biden gracie son fils Hunter avant de quitter la Maison Blanche
Dans un geste inattendu, le président Joe Biden gracie son fils Hunter, malgré ses précédentes promesses de non-intervention. Cette décision soulève des questions sur l’impartialité du système judiciaire américain.
Dans les dernières semaines de sa présidence, Joe Biden a pris la décision controversée de gracier son fils Hunter, impliqué dans des affaires de fraude fiscale et de détention illégale d’arme à feu. Cette action, bien que conforme à la tradition des présidents américains d’accorder des grâces à des proches, remet en question l’intégrité du processus judiciaire et l’indépendance de la justice.
Hunter Biden, âgé de 54 ans, avait plaidé coupable en septembre pour fraude fiscale à Los Angeles, une affaire qui aurait pu lui valoir jusqu’à 17 ans de prison. De plus, il était également confronté à des accusations pour avoir menti sur son addiction aux drogues lors de l’achat d’une arme, un délit passible de 25 ans d’emprisonnement dans l’État du Delaware, où réside la famille Biden.
Joe Biden, dans un communiqué, a défendu la décision en affirmant que son fils a été ciblé uniquement en raison de son lien de parenté avec lui, qualifiant cette poursuite de « sélective et injuste ». Il a souligné que les accusations contre Hunter sont nées après que des opposants politiques au Congrès aient initié des enquêtes visant à attaquer sa présidence.
Cette grâce intervient dans un contexte politique tendu, où le système judiciaire est déjà sous le feu des critiques. Donald Trump, le président élu, a récemment nommé des fidèles à des postes clés au sein du FBI et du ministère de la Justice, ce qui a alimenté les débats sur l’indépendance de ces institutions. L’ironie réside dans le fait que Trump lui-même a promis de gracier les personnes impliquées dans l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021, un acte qu’il qualifie d’injustice judiciaire.
Les avocats de Hunter Biden ont toujours maintenu que leur client n’aurait pas été poursuivi s’il n’était pas le fils du président. Hunter a lui-même exprimé son intention de consacrer sa vie à aider ceux qui luttent contre les mêmes problèmes qu’il a affrontés, notamment la dépendance. Il a également remboursé ses arriérés d’impôts et les pénalités associées, bien que l’accord initial pour éviter la prison ait été rompu à la dernière minute.
Cette affaire a été une source de discorde pour la famille Biden, particulièrement pendant cette année électorale où les Républicains ont accusé le fils du président de bénéficier d’un traitement de faveur. La décision de Joe Biden de gracier Hunter, malgré ses précédentes déclarations de non-intervention, pourrait alimenter davantage les critiques sur la politisation du système judiciaire américain et l’utilisation de la grâce présidentielle pour des fins personnelles.
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