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Culture

Bagdad ressuscite l’héritage juif avec la restauration d’un mausolée millénaire

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Dans un quartier historique de la capitale irakienne, un lieu de mémoire oublié renaît sous les mains d’ouvriers, symbole fragile d’un patrimoine commun.

Au cœur de la vieille ville de Bagdad, un chantier insolite attire les regards. Des artisans s’activent autour d’une sépulture ancienne, ornée d’inscriptions en hébreu. Il s’agit du mausolée d’Isaac Gaon, érudit juif du VIIe siècle, dont la tombe retrouve peu à peu son éclat après des années d’abandon. Ce projet de restauration, financé par des donations privées, marque un tournant pour la poignée de Juifs encore présents en Irak, où leur communauté autrefois florissante a quasiment disparu.

Le site, longtemps laissé à l’abandon, servait encore récemment de dépotoir. « Personne n’osait y toucher », confie une représentante de la minorité juive, soulagée d’avoir obtenu l’aval des autorités pour ce chantier de 150 000 dollars. Pour elle, cette renaissance symbolise bien plus qu’un simple travail de rénovation : c’est la reconnaissance d’une histoire commune, effacée par les soubresauts politiques. Le mausolée, avec ses rosaces géométriques et son portail bleu ciel, témoigne d’une époque où Bagdad était un carrefour de cultures et de spiritualités.

L’identité du rabbin Isaac Gaon reste enveloppée de mystère. Si les archives mentionnent son rôle de guide spirituel pour des milliers de fidèles, peu de traces concrètes subsistent de son enseignement. Une légende persistante le lie même à l’imam Ali, figure vénérée du chiisme, illustrant les interactions complexes entre communautés religieuses dans l’Irak médiéval. Les spécialistes voient dans ce récit un reflet des stratégies d’intégration des minorités sous domination musulmane.

Autrefois intégré à un vaste complexe comprenant une synagogue et une école, le mausolée attire désormais des curieux, y compris des personnalités politiques irakiennes soucieuses de promouvoir une image de tolérance. Pour les derniers Juifs du pays, cette reconnaissance officielle contraste avec leur réalité quotidienne, marquée par la discrétion forcée.

L’histoire des Juifs d’Irak, vieille de 26 siècles, a connu un tournant tragique au XXe siècle, avec les pogroms des années 1940 et l’exode massif qui suivit la création d’Israël. Aujourd’hui, les synagogues abandonnées rappellent cette présence effacée, tandis que des récits populaires persistent, comme ceux évoquant les vertus miraculeuses attribuées au puits du mausolée. La restauration de ce lieu fragile offre une lueur d’espoir : celle de préserver, malgré tout, les traces d’une coexistence perdue.

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