Il y a 150 000 ans, Abidjan abritait déjà l’Homo sapiens dans une forêt tropicale luxuriante. Une découverte archéologique majeure qui redéfinit notre compréhension de l’histoire humaine en Afrique.
Dans le quartier d’Anyama, à Abidjan, la vie quotidienne semble bien éloignée des préoccupations scientifiques. Pourtant, ce lieu ordinaire cache un trésor archéologique exceptionnel : des traces d’Homo sapiens vieilles de 150 000 ans. Une équipe internationale de chercheurs vient de confirmer que cette zone, aujourd’hui urbanisée, était autrefois une dense forêt tropicale où nos ancêtres ont vécu. Cette découverte, publiée dans la revue *Nature*, repousse de plusieurs millénaires la présence humaine attestée dans un tel environnement.
Jusqu’à présent, les preuves les plus anciennes de l’Homo sapiens dans les forêts tropicales dataient de 70 000 ans et provenaient d’Asie et d’Océanie. Les outils en pierre mis au jour à Anyama, notamment des pics et des « choppers » utilisés pour dépecer les animaux ou travailler les matériaux, témoignent d’une adaptation précoce de l’homme à cet écosystème. Ces artefacts, taillés dans du silex ou du quartz, ont été découverts sous plusieurs mètres de terre par l’archéologue ivoirien François Guédé Yiodé, qui a consacré sa carrière à cette recherche.
Malgré l’importance de cette découverte, le site a été détruit il y a quelques années pour laisser place à une carrière, faute de protection officielle. François Guédé Yiodé, aujourd’hui âgé de 77 ans, conserve précieusement ces vestiges chez lui, dans l’espoir de les voir un jour exposés dans un musée. Il déplore le manque de soutien financier et institutionnel pour l’archéologie en Côte d’Ivoire, une discipline qui peine à se développer malgré son potentiel scientifique.
Cette étude souligne également l’importance des écosystèmes africains dans l’évolution humaine. Les forêts tropicales, loin d’être des obstacles, ont joué un rôle clé dans l’adaptation et la survie de l’Homo sapiens. Pour les chercheurs, cette découverte ouvre de nouvelles perspectives sur l’histoire préhistorique du continent et pourrait inciter davantage d’étudiants à se spécialiser dans ce domaine. Cependant, les défis restent nombreux : manque de moyens, de matériel et de reconnaissance institutionnelle freinent encore les avancées scientifiques.
En attendant, François Guédé Yiodé continue de militer pour une meilleure valorisation du patrimoine archéologique ivoirien, convaincu que ces découvertes sont essentielles pour comprendre notre passé et inspirer les générations futures.