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Quand l’art défie la gravité

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Une artiste française a expérimenté la création en apesanteur à bord d’un avion spécialement aménagé, transformant des crayons en une chorégraphie spatiale inédite.

À bord de l’Airbus A310 Zéro-G, huit crayons de couleur reliés entre eux effectuent une danse aérienne évoquant les mouvements d’un céphalopode. L’artiste plasticienne Élise Parré participe à son premier vol en impesanteur, flottant aux côtés de cette étrange composition durant vingt-deux secondes. Elle confie avoir été surprise par l’intensité physique de l’expérience et la beauté imprévisible du ballet des crayons, qu’elle n’avait pu anticiper.

L’appareil, exploité par Novespace pour le compte du Centre national d’études spatiales, recrée les conditions de microgravité grâce à des manœuvres paraboliques. Cette méthode permet de conduire des recherches scientifiques et, depuis une décennie, d’accueillir des créateurs en résidence. La cabine est équipée de sangles et de filets de sécurité, tandis que l’artiste y avait installé un fond noir et sa propre caméra pour documenter sa performance.

Son inspiration remonte à une invention d’Alexeï Leonov, le premier cosmonaute à avoir réalisé une sortie dans l’espace. En 1965, celui-ci avait conçu un système artisanal pour emporter ses crayons en mission. « J’ai repris cette idée en lui donnant une existence autonome », explique-t-elle, soulignant la dimension à la fois absurde et enfantine de voir voler ces instruments. Elle se réjouit particulièrement de l’aspect organique que prend l’ensemble, évoquant une créature marine.

Pour générer l’impesanteur, l’avion grimpe à près de dix mille mètres avant d’adopter une trajectoire courbe. Le pilote coupe alors les moteurs au sommet de la parabole, permettant une chute libre contrôlée. Cette séquence est répétée une trentaine de fois pendant le vol de trois heures, sous la surveillance constante d’une équipe technique.

Ces vols paraboliques représentent un champ d’expérimentation singulier pour les artistes, selon l’Observatoire de l’Espace du Cnes, qui les propose depuis 2014. Ils permettent d’explorer la création en milieu extraterrestre, détachée des contraintes terrestres. Élise Parré prévoit de développer une œuvre à partir des mouvements capturés pendant son expérience. En attendant, assise dans sa combinaison bleue et blanche, elle esquisse au sol une figure humaine couronnée avec ces mêmes crayons.

D’autres créateurs ont précédemment exploité ces conditions particulières. Certains ont produit des céramiques à partir de moules réalisés en apesanteur, d’autres des sculptures traduisant les effets de l’absence de gravité sur le corps. Une sélection de ces travaux sera présentée prochainement à Marseille, incluant des pièces d’Eduardo Kac, pionnier de l’art des télécommunications.

Parmi les projets les plus originaux figure « Oscar », un dispositif envoyé vers la Station spatiale internationale. Conçu par Stéphane Thidet avec l’appui du Cnes, cet instrument génère une partition musicale à partir des données environnementales recueillies en orbite. À son retour sur Terre, prévu pour 2026, il livrera près d’une année de compositions pour piano et synthétiseur modulaire, offrant une nouvelle perspective sur la création artistique spatiale.

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