Le félin malaisien au bord du précipice

La population de tigres de Malaisie s’effondre dramatiquement sous la pression du braconnage, malgré les efforts déployés pour sauver l’emblème national.

Pendant deux années, des défenseurs de l’environnement ont observé Bulan, une tigresse accompagnée de ses quatre petits, jusqu’à ce qu’une collision routière ne vienne interrompre ce suivi. Cet événement a encore amputé les effectifs déjà critiques de ce félin considéré comme le symbole animalier du pays. Les statistiques officielles révèlent une hémorragie démographique alarmante. Alors que le territoire malaisien abritait approximativement trois mille spécimens durant les années 1950, moins de cent cinquante individus évoluent aujourd’hui en milieu naturel.

L’Union internationale pour la conservation de la nature a classé le tigre de Malaisie dans la catégorie des espèces en danger critique d’extinction. Le recul de son habitat naturel et la raréfaction de ses proies, conséquences des activités humaines, participent à ce déclin. Mais la chasse illégale représente la menace la plus directe. Bulan a trouvé la mort l’an dernier sur une voie rapide traversant la péninsule. La présidente d’une organisation de protection de l’espèce confie l’émotion provoquée par cette disparition. Le drame a été amplifié par la mutilation postérieure de l’animal, dont les défenses et les griffes ont été prélevées.

Les autorités ont récemment annoncé le renforcement de leur dispositif de lutte contre les délits visant la faune sauvage. Ce plan inclut le déploiement de pièges photographiques intégrant l’intelligence artificielle et l’optimisation des contrôles anti-contrebande dans les aéroports. Toutefois, spécialistes et représentants gouvernementaux reconnaissent que ces mesures demeurent insuffisantes pour assurer la protection du félin.

Le commerce illicite génère des profits considérables. Selon l’agence nationale en charge de la protection de la faune, une dépouille complète peut être écoulée à soixante mille dollars sur le marché noir. La fourrure représente près de vingt-quatre mille dollars de ce montant, quand les organes génitaux mâles atteignent cinq mille dollars. Les ossements s’échangent environ mille deux cents dollars le kilogramme, tandis que les dents, griffes et vibrisses, utilisées en médecine traditionnelle, valent cent vingt dollars pièce.

Les réseaux criminels empruntent les mêmes voies de transit que celles employées pour le trafic de stupéfiants, d’armes ou d’êtres humains, avec pour destinations finales le Vietnam et la Chine. Même épargnés par les braconniers, les félins subissent les pièges artisanaux confectionnés en plastique, cordage ou métal.

Durant le premier semestre 2025, des opérations coordonnées entre forces de l’ordre et services de protection de la faune ont conduit à deux cent une interpellations et à la saisie de biens illicites évalués à trente millions et demi de dollars. Les initiatives communautaires mobilisent plus de mille gardes forestiers. La directrice d’une organisation non gouvernementale spécialisée souligne les progrès accomplis par la Malaisie dans la répression du braconnage, tout en tempérant cet optimisme. Elle estime que la route reste longue avant d’obtenir des résultats tangibles.

La branche malaisienne de la Wildlife Conservation Society évalue à cinq mille le nombre nécessaire de gardes pour surveiller efficacement les habitats du tigre. Le responsable local de l’organisation décrit un déséquilibre structurel. Les braconniers, plus nombreux que les agents assermentés, profitent de l’immensité du territoire forestier pour opérer en toute impunité. Ce constat est partagé par les autres associations œuvrant pour la préservation de l’espèce, qui pointent non pas un défaut de volonté politique, mais une insuffisance de ressources matérielles et humaines.