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Cambodge : 50 ans après, le silence imposé sur l’horreur des Khmers rouges

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Un demi-siècle après l’arrivée au pouvoir des Khmers rouges, les commémorations sont étouffées, tandis que les survivants se voient interdire d’honorer leurs morts.

Ce jeudi marquait le cinquantième anniversaire de la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges, un événement qui a plongé le Cambodge dans l’une des pages les plus sombres de son histoire. Pourtant, les hommages aux victimes du génocide ont été réduits au strict minimum. Les autorités ont refusé à un parti d’opposition l’autorisation d’organiser une cérémonie sur le site de Choeung Ek, tristement célèbre pour ses charniers. Une décision justifiée par des risques supposés pour l’ordre public, selon une lettre officielle.

Sur place, seuls quelques touristes parcouraient les lieux, contemplant les crânes des victimes exposés derrière des vitrines. Les survivants, eux, étaient absents. Sum Rithy, 72 ans, se souvient encore de l’arrivée des combattants aux écharpes rouges, accueillis avec méfiance par une population épuisée par la guerre. Très vite, Phnom Penh fut vidée de ses habitants sous la menace des armes, marquant le début d’un exode forcé sans précédent. « Le sang coulait partout », raconte-t-il, évoquant la mort de son père et de trois de ses frères et sœurs, ainsi que ses deux années de détention sous de fausses accusations.

Entre 1975 et 1979, près de deux millions de Cambodgiens – un quart de la population – ont péri sous le régime de Pol Pot, victimes de la famine, des travaux forcés, de la torture ou des exécutions sommaires. Ce n’est qu’après l’intervention vietnamienne en 1979 que l’ampleur des massacres fut révélée, avec la découverte de charniers à travers tout le pays.

Aujourd’hui, la mémoire de ces crimes reste un sujet sensible. La politique de réconciliation menée par l’ancien Premier ministre Hun Sen, lui-même un ancien cadre khmer rouge rallié au pouvoir, a souvent été critiquée pour avoir minimisé les responsabilités. Si un tribunal soutenu par l’ONU a condamné trois hauts dirigeants du régime, beaucoup d’autres échappent toujours à la justice.

Récemment, une loi interdisant de nier les crimes des Khmers rouges a été adoptée, mais les observateurs craignent qu’elle ne serve aussi à museler toute voix dissidente. Cinquante ans après, le Cambodge peine toujours à faire face à son passé, entre devoir de mémoire et instrumentalisation politique.

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