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Culture

Bagdad ressuscite l’héritage juif avec la restauration d’un mausolée millénaire

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Un chantier symbolique dans la capitale irakienne redonne vie à la mémoire d’un rabbin vénéré du VIIe siècle, témoignage fragile d’un passé multiculturel.

Au cœur d’un quartier historique de Bagdad, des artisans s’activent autour d’une sépulture ornée de caractères hébraïques. Le mausolée d’Isaac Gaon, érudit juif du premier siècle de l’islam, renaît lentement après des décennies d’oubli. Ce projet, porté par les derniers membres de la communauté juive locale, dépasse les clivages religieux dans un pays marqué par les conflits sectaires.

L’édifice, autrefois enseveli sous les détritus, a bénéficié d’un financement de 150 000 dollars accordé par les autorités. Pour Khalida Elyahu, figure emblématique des Juifs d’Irak, cette renaissance est un signal fort : « Ce lieu appartient à notre histoire commune, bien au-delà de notre petite communauté ». La structure, inspirée de l’architecture islamique médiévale, arbore désormais une coupole bleutée et un tombeau immaculé où repose le sage, mort en 688.

L’histoire de ce rabbin reste enveloppée de mystère. Certains récits, probablement légendaires, le dépeignent accueillant l’imam Ali, figure centrale du chiisme, lors de la conquête musulmane. « Ces récits reflètent les stratégies des minorités pour négocier leur place dans l’empire », explique un universitaire spécialiste du judaïsme mésopotamien. Qu’importe la véracité : le site attire déjà des pèlerins, y compris des dignitaires politiques comme Qassem al-Aaraji, connu pour son discours œcuménique.

Le mausolée incarne un héritage bien plus vaste. Jadis, Bagdad comptait une florissante population juive, rédactrice du Talmud de Babylone. Mais les pogroms des années 1940 et la création d’Israël ont précipité leur exode. Aujourd’hui, une poignée de fidèles perpétuent discrètement les rites, tandis que des synagogues tombent en ruine. Pour les riverains comme Moussa Hayawi, le retour des pèlerinages évoque une époque révolue où l’on venait chercher guérison ou fertilité sous ces voûtes sacrées.

Ce chantier, modeste en apparence, cristallise un espoir : celui de réconcilier l’Irak avec sa mémoire plurielle, au-delà des fractures contemporaines.

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