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En Birmanie, un festival ancestral célèbre une agriculture sous les flammes

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Malgré les nuages toxiques, les villageois perpétuent une tradition vitale, prisonniers d’un conflit et de l’absence d’alternatives.

Dans les collines birmanes, à la frontière des États Karen et Shan, des volutes de fumée obscurcissent l’horizon chaque printemps. Le festival de Tha Yu, héritage séculaire, glorifie la culture sur brûlis, une méthode agricole aussi indispensable que polluante pour ces communautés rurales. Les flammes consumant les chaumes de riz symbolisent à la fois une survivance culturelle et un désastre écologique, dans un pays ravagé par la guerre civile.

Les habitants, comme Joseph, un responsable local de 27 ans, défendent cette pratique par nécessité plus que par choix. « Nos ancêtres nous ont transmis ce savoir. Sans cela, comment nourrir nos familles ? » interroge-t-il, tandis qu’un brouillard chargé de particules fines enveloppe les champs. Entre janvier et avril, ces feux aggravent la pollution atmosphérique en Asie du Sud-Est, réduisant l’espérance de vie des Birmans de plus de deux ans selon des études récentes.

Pourtant, les alternatives restent inaccessibles. L’agriculture itinérante, qui consiste à brûler des parcelles forestières pour fertiliser les sols, demeure la seule option pour ces paysans privés de technologies modernes et d’accès à l’éducation agronomique. « Personne ne nous a appris d’autres méthodes », soupire Joseph. Si certains chercheurs évoquent des effets positifs sur la biodiversité à petite échelle, la majorité des experts dénoncent une catastrophe environnementale : déforestation, érosion des sols et aggravation du réchauffement climatique.

Lors des célébrations, les villageois dansent autour des feux rituels, mêlant fierté culturelle et amertume. Khun Be Sai, membre du comité organisateur, souligne le paradoxe : « Nous ne brûlons pas par plaisir, mais pour survivre. » Les changements climatiques frappent déjà la région – pluies diluviennes, pénuries d’eau – tandis que l’exode rural fragilise les traditions. « Nos langues, nos coutumes s’effacent peu à peu », regrette-t-il.

En l’absence de données précises en raison du conflit, l’impact sanitaire de ces pratiques reste difficile à quantifier. Mais une évidence s’impose : sans solutions durables, ces communautés resteront prises au piège entre préservation de leur identité et urgence écologique. Un dilemme qui, comme la fumée des brûlis, plane lourdement sur l’avenir de la Birmanie.

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