Nous rejoindre sur les réseaux

Monde

Le sanctuaire marin péruvien en péril

Article

le

La réserve de Punta San Juan, autrefois modèle de conservation, voit aujourd’hui ses populations d’oiseaux et de mammifères marins s’effondrer sous l’effet combiné des crises climatiques et de la pression halieutique.

Les falaises de Punta San Juan, dans le sud aride du Pérou, offrent un spectacle désolant. Là où des centaines de milliers d’oiseaux marins animaient autrefois le paysage, seules quelques colonies résiduelles persistent. Les lions de mer et les manchots de Humboldt, espèces emblématiques de ce littoral, voient leurs effectifs diminuer drastiquement. Cette péninsule protégée depuis plus d’un siècle illustre le déclin généralisé des écosystèmes marins péruviens.

Deux phénomènes majeurs expliquent cette situation préoccupante. L’épidémie de grippe aviaire survenue fin 2022 a décimé les populations aviaires, tandis que le réchauffement des eaux provoqué par El Niño a éloigné les bancs de poissons dont dépendent ces prédateurs marins. La résilience naturelle des espèces, pourtant adaptées à ces cycles climatiques, se trouve mise à mal par la fréquence et l’intensité accrues de ces perturbations.

La surpêche industrielle d’anchois, principale ressource halieutique du pays, aggrave considérablement la crise. Les prises ont augmenté de 25% en 2024, atteignant 4,6 millions de tonnes, destinées presque exclusivement à la production de farine et d’huile pour l’aquaculture mondiale. Cette compétition directe pour les ressources alimentaires prive les oiseaux et mammifères marins de leur subsistance.

Les chiffres témoignent de l’ampleur du déclin. La population de manchots de Humboldt est passée de 2 500 à 500 individus, tandis que les lions de mer ne sont plus que 1 200 contre 11 000 auparavant. Les oiseaux producteurs de guano, qui comptaient encore 200 000 spécimens début 2022, ne sont plus que 200 aujourd’hui. Ces chiffres traduisent une situation critique pour l’ensemble de l’écosystème.

Ce déclin affecte également l’économie agricole traditionnelle. La récolte de guano, engrais naturel issu des déjections d’oiseaux marins, connaît une baisse significative. La campagne en cours ne permettra d’extraire que 11 000 tonnes contre près de 17 000 lors de la précédente collecte en 2019. Cette diminution menace les pratiques agricoles biologiques qui dépendent de cette ressource.

Les scientifiques alertent sur l’urgence de la situation. La protection terrestre des espèces, assurée par des murs et une surveillance constante, ne suffit plus face aux menaces qui pèsent sur leur environnement marin. Le cas de Punta San Juan reflète une tendance générale observée sur l’ensemble du littoral pacifique sud-américain, où les colonies de manchots ont diminué de 60 à 80% depuis 2022.

La préservation de cet écosystème unique nécessite une approche intégrée combinant régulation de la pêche industrielle et renforcement des mesures de protection marine. L’équilibre entre exploitation économique et conservation de la biodiversité représente un défi majeur pour les autorités péruviennes, alors que les écosystèmes marins du courant de Humboldt traversent une période de fragilité extrême.

Click to comment

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Les + Lus