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Culture

L’alsacien, une langue qui séduit au-delà des frontières

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À Strasbourg, des étrangers s’initient au dialecte local, entre tradition et intégration. Une démarche qui redonne vie à une langue menacée.

À Schiltigheim, en périphérie de Strasbourg, une troupe de théâtre pas comme les autres fait vibrer les planches. Composée de comédiens venus du Liban, de Palestine, du Mexique, des États-Unis ou encore du Japon, elle interprète une adaptation en alsacien de la célèbre comédie *Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?*. Pour ces artistes, apprendre ce dialecte germanique est bien plus qu’un défi linguistique. C’est une manière de s’immerger dans la culture locale et de tisser des liens avec une région profondément attachée à ses racines.

Bashar Badwan, un jeune Palestinien de 23 ans originaire de Gaza, incarne l’un des rôles principaux. Pour lui, maîtriser l’alsacien est une clé essentielle pour s’intégrer. « La meilleure façon de comprendre une région, c’est d’apprendre sa langue », confie-t-il. Christ Fadel, étudiant libanais de 25 ans, partage cette vision. Tous deux ont découvert l’alsacien dans un café strasbourgeois, *Au coin des kneckes*, où Sabine Lapp dispense des cours hebdomadaires. Autour de bières et de bretzels, ils ont appris leurs premiers mots, avant de se lancer sur scène.

L’engouement pour l’alsacien dépasse les frontières de l’Alsace. À l’université de Strasbourg, le dialecte est proposé comme option linguistique. Pascale Erhart, responsable du département de dialectologie, observe deux profils parmi les apprenants. D’un côté, des Alsaciens qui n’ont pas hérité de la langue et souhaitent la redécouvrir. De l’autre, des étudiants venus d’autres régions ou pays, attirés par cette richesse culturelle. Les Japonais sont particulièrement nombreux, suivis par les Sud-Américains. Disuke Sakumoto, étudiant en phonétique à Kyoto, a même traduit des haïkus en alsacien, un projet qui témoigne de son attachement à cette langue.

Pourtant, l’alsacien est en déclin. Selon une étude récente, seulement 46 % des Alsaciens le parlent aujourd’hui, contre 61 % il y a vingt ans. La transmission intergénérationnelle s’effrite, et les politiques publiques peinent à inverser la tendance. Pascale Erhart déplore une « ambiguïté tenace » entre l’alsacien et l’allemand, souvent confondus dans les discours officiels. Malgré quelques initiatives, comme des classes immersives en maternelle, l’enseignement du dialecte reste marginal.

Pourtant, l’alsacien résiste, porté par des initiatives locales et l’intérêt croissant des étrangers. Sabine Lapp, qui enseigne depuis plusieurs années, a vu défiler des profils variés, des professionnels de santé aux notaires, tous désireux de mieux communiquer avec les personnes âgées. Car, dans les unités Alzheimer, c’est souvent l’alsacien qui resurgit, comme une langue ancrée dans la mémoire.

Face à ce constat, la collectivité européenne d’Alsace a déclaré 2025 « année du bilinguisme ». Une application pour apprendre l’alsacien et d’autres initiatives visent à renforcer l’identité linguistique de la région. Une petite Alsacienne coiffée d’une coiffe traditionnelle, aux couleurs des drapeaux français et allemands, symbolise cette ambition. Une manière de rappeler que l’alsacien, bien plus qu’un dialecte, est un patrimoine vivant.

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