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La Cour suprême brésilienne annule une loi contestée sur la démarcation des terres autochtones

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Dans une décision majeure, la plus haute juridiction du pays a invalidé jeudi un texte législatif imposant des critères restrictifs pour la reconnaissance des territoires ancestraux. Cette victoire pour les peuples premiers pourrait toutefois être de courte durée face à un Parlement hostile.

Les juges de la Cour suprême fédérale ont estimé que la loi adoptée fin 2023 contrevenait à la Constitution. Ce texte visait à inscrire dans la législation ordinaire la thèse dite du « cadre temporel », selon laquelle seuls les territoires physiquement occupés par les communautés autochtones au 5 octobre 1988, date de la promulgation de la Constitution, pourraient être officiellement démarqués et protégés.

Cette approche était vivement contestée par les organisations indigènes et les défenseurs de l’environnement. Elles soutenaient qu’elle revenait à ignorer les spoliations et les violences subies par ces populations, notamment pendant la dictature militaire, qui les avaient contraintes à quitter leurs terres bien avant cette date butoir. Pour elles, le droit à la terre est un droit originaire, antérieur à la formation de l’État brésilien lui-même, et ne saurait être soumis à une condition d’occupation à un moment précis.

L’enjeu dépasse largement la seule question foncière. Les réserves indigènes, qui couvrent près de 14% du territoire national, sont considérées par les scientifiques comme des remparts essentiels contre la déforestation, en particulier en Amazonie. Leur préservation est un élément clé dans la lutte contre le changement climatique, un argument régulièrement mis en avant par le gouvernement du président Luiz Inácio Lula da Silva.

La décision de jeudi marque un nouveau rebondissement dans un conflit judiciaire et politique de longue date. En 2023, la Cour suprême avait déjà déclaré le « cadre temporel » inconstitutionnel dans le cadre d’un jugement spécifique. Le Congrès, dominé par une puissante coalition conservatrice et agro-industrielle, avait alors réagi en adoptant la loi désormais invalidée, cherchant à imposer par la voie législative ce que la justice refusait.

Face à cette impasse, la Cour avait initié une procédure de conciliation, organisant une vingtaine d’audiences avec toutes les parties prenantes. Le rejet définitif de la loi semble clore cette phase, mais la bataille est loin d’être terminée. Le Sénat a en effet approuvé le 10 décembre un amendement constitutionnel visant à inscrire le principe du « cadre temporel » directement dans la Constitution, le rendant ainsi beaucoup plus difficile à contester. Ce projet doit maintenant être examiné par la Chambre des députés.

L’administration Lula, qui a déjà homologué une vingtaine de terres indigènes depuis son retour au pouvoir en 2023, se trouve ainsi dans une position délicate, tiraillée entre ses engagements envers les peuples autochtones et la réalité politique d’un Parlement où les intérêts agricoles restent prépondérants. L’issue de ce bras de fer continuera de définir l’avenir de vastes étendues du territoire brésilien et de leurs gardiens historiques.

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