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Culture

Japon: une ex-travailleuse du sexe photographie le quartier rouge historique de Tokyo

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**Yoshiwara revisité : une photographe ex-travailleuse du sexe immortalise l’âme d’un quartier historique de Tokyo**

_*Beniko, ancienne prostituée devenue photographe, capture à travers son objectif l’histoire méconnue de Yoshiwara, l’ancien quartier des plaisirs de Tokyo. Son travail documente un passé complexe, entre tabous et renaissance culturelle.*_

Dans les ruelles de Yoshiwara, un quartier autrefois célèbre pour ses maisons closes, Beniko, une photographe de 52 ans, arpente les rues avec son appareil photo. Ancienne travailleuse du sexe, elle a décidé de raconter l’histoire de ce lieu emblématique, où elle a passé une décennie de sa vie. Son objectif ? Immortaliser les vestiges d’un passé souvent mal compris, mais profondément ancré dans l’histoire culturelle du Japon.

Yoshiwara, établi en 1618 pour réguler la prostitution, était autrefois un lieu de luxe et d’illusion, peuplé de courtisanes de haut rang. Après un incendie en 1657, le quartier a été déplacé dans l’est de Tokyo, près d’Asakusa. Pendant l’ère Edo (1603-1868), il était considéré comme un berceau de la culture populaire. Cependant, avec la modernisation de l’ère Meiji (1868-1912) et l’adoption d’une loi anti-prostitution en 1958, le quartier a progressivement perdu de son éclat.

Beniko, originaire de Saitama, a commencé à travailler dans le quartier à l’âge de 22 ans, après une enfance marquée par le harcèlement scolaire. Elle se souvient d’un client qui lui avait décrit Yoshiwara comme « l’enfer sur terre ». Pourtant, elle y a trouvé un moyen de subsistance, tout en poursuivant des études d’art. Aujourd’hui, elle parcourt ces mêmes rues, capturant des images de bâtiments anciens, de sanctuaires et des fameux « soaplands », des établissements de bains à vapeur qui ont remplacé les maisons closes.

Ces « soaplands », bien que légalement distincts des anciens bordels, proposent encore des services à caractère sexuel. Beniko décrit avec précision l’atmosphère de ces lieux, où la vapeur s’échappe des toits et où chaque chambre, bien que petite, abrite des histoires intimes. Son travail photographique ne se limite pas à documenter les lieux ; il explore aussi les vies de ceux qui y ont travaillé et lutté pour survivre.

Après avoir quitté Yoshiwara pour élever seule son fils, Beniko s’est tournée vers la photographie en autodidacte. Ses clichés, partagés sur les réseaux sociaux, ont rapidement attiré l’attention. Son premier livre, un succès inattendu, a été suivi d’un deuxième projet entièrement financé par des dons en ligne, récoltant plus de 50 000 euros.

Aujourd’hui, Yoshiwara connaît un regain d’intérêt, notamment grâce à des œuvres populaires comme le manga « Demon Slayer » ou des séries historiques de la NHK. Les touristes étrangers, de plus en plus nombreux, explorent ces rues autrefois méconnues, tandis que les Japonais, en particulier les trentenaires, y voient un moyen de mieux comprendre leur propre sexualité et identité.

Beniko, quant à elle, continue de témoigner à visage découvert, malgré les critiques. « Je ne peux pas rattraper le temps perdu, mais je veux documenter cette industrie comme une part de notre histoire », confie-t-elle. À travers son objectif, elle redonne vie à un quartier qui, malgré ses ombres, reste un témoignage poignant de la résilience humaine.

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