Un agriculteur péruvien défie un géant allemand de l’énergie : une bataille judiciaire historique pour la justice climatique
Un paysan des Andes affronte en justice le groupe RWE, accusé de contribuer au réchauffement climatique qui menace sa communauté. Une affaire emblématique qui pourrait redéfinir la responsabilité des pollueurs.
Saul Luciano Lliuya, un agriculteur péruvien de 44 ans, a entamé une lutte judiciaire sans précédent contre le géant énergétique allemand RWE. Depuis une décennie, il se bat pour obtenir réparation des dommages causés par le changement climatique dans sa région de Huaraz, située dans les Andes péruviennes. Sa maison et celles de 50 000 autres habitants sont menacées par la fonte accélérée des glaciers, qui fait monter le niveau du lac Palcacocha, augmentant les risques d’inondations catastrophiques.
L’affaire, soutenue par l’ONG Germanwatch, repose sur un argument clé : RWE, bien qu’il n’opère pas au Pérou, est l’un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre en Europe. Selon les plaignants, le groupe est responsable de 0,47 % des émissions mondiales. Saul Luciano Lliuya demande donc à RWE de contribuer à hauteur de 17 000 euros, soit une quote-part symbolique, aux 3,5 millions d’euros nécessaires pour sécuriser le lac et protéger sa communauté.
Le procès, qui se déroule devant le tribunal de Hamm en Allemagne, est considéré comme un test crucial pour la « justice climatique ». Ce concept, de plus en plus discuté, vise à établir une responsabilité légale des grands pollueurs envers les populations les plus vulnérables aux effets du réchauffement climatique. En 2017, la cour d’appel avait jugé la plainte recevable, ouvrant la voie à une possible jurisprudence mondiale.
RWE, de son côté, rejette fermement ces accusations. Le groupe, basé à Essen, affirme que la demande est « juridiquement inadmissible » et qu’il est impossible d’attribuer les effets spécifiques du changement climatique à un seul émetteur. L’entreprise souligne également qu’elle respecte les réglementations nationales et s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2040, notamment en abandonnant progressivement le charbon.
L’audience, qui s’étend jusqu’à mercredi, doit d’abord évaluer le risque réel d’inondation pour la propriété de M. Lliuya. Si ce risque est confirmé, le tribunal examinera ensuite le lien entre les émissions de RWE et les dommages subis. Cette affaire s’inscrit dans une tendance mondiale croissante : depuis l’Accord de Paris en 2015, plus de 80 procédures similaires ont été engagées contre des entreprises et des gouvernements, selon Joana Setzer, chercheuse à la London School of Economics.
Pour Saul Luciano Lliuya, ce combat est bien plus qu’une question d’argent. Il s’agit de faire reconnaître la responsabilité des grands pollueurs et de protéger les communautés les plus exposées aux conséquences du réchauffement climatique. Une victoire pourrait marquer un tournant historique dans la lutte pour la justice climatique.