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Culture

Le crépuscule des ciné-parcs américains

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Symbole intemporel de la culture populaire, ces sanctuaires automobiles résistent difficilement aux mutations économiques et sociales.

Installés dans leurs véhicules sous la voûte étoilée de Virginie, les spectateurs du Family Drive-In observent l’écran géant s’illuminer. Cette séance automnale revêt une signification particulière, pouvant constituer l’une des ultimes projections de ce site cinématographique en plein air, parmi les derniers encore actifs dans la périphérie de Washington après près de soixante-dix ans d’existence. Michelle Hutson, fidèle habituée depuis son enfance, confie son émotion à l’idée que sa future petite-fille ne puisse connaître cette expérience sensorielle unique.

La pérennité du lieu est compromise depuis la décision des propriétaires fonciers de mettre en vente le terrain pour 1,5 million de dollars. Andrew Thomas, exploitant du cinéma, explique l’impossibilité financière de racheter les parcelles, ce qui multiplierait par trois les charges locatives. Une campagne de financement participatif initiée en septembre témoigne néanmoins de l’attachement des communautés locales, ayant déjà rassemblé trente mille dollars. Cette mobilisation traduit, selon le gérant, la volonté collective de préserver un fragment d’héritage culturel.

L’historien du cinéma Gary Rhodes souligne que seulement trois cents drive-in subsistent aujourd’hui sur le territoire américain, contre plus de quatre mille durant leur âge d’or à la fin des années cinquante. Leur déclin progressif s’explique par la généralisation des écrans domestiques et la pression immobilière. La brève résurgence observée pendant la pandémie n’a pas inversé la tendance structurelle, la fréquentation connaissant désormais une nouvelle contraction.

La persistance des ciné-parcs repose largement sur l’engagement personnel de leurs opérateurs, note D. Vogel, vice-président de l’association professionnelle du secteur. L’arrivée en masse des départs à la retraite parmi cette génération d’exploitants, conjuguée à la concurrence des plateformes numériques, rend toute transmission complexe. Son organisation a développé une plateforme dédiée pour faciliter les reprises, constatant avec satisfaction l’émergence de nouvelles vocations.

À preuve, le couple formé par Mike White et Melissa Sims a investi cinq cent mille dollars dans la création d’un nouvel établissement en Louisiane. Malgré les reports successifs de l’ouverture, les partenaires maintiennent leur conviction, s’appuyant sur une étude de terrain montrant un vif intérêt populaire. Pour Melissa, ces cinémas en plein air incarnent une tradition familiale et collective qu’il s’agit de revitaliser. Leur projet aspire à recréer ce lien social à l’échelle communautaire, défiant les pronostics économiques par la force du lien mémoriel.

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