Au Nigeria, l’agriculture high-tech sème les graines de la révolution verte
_Grâce à des innovations locales, les fermiers nigérians adoptent des solutions connectées pour faire face aux défis climatiques et accroître leurs rendements._
Dans la région de Jos, au centre du Nigeria, une nouvelle génération d’agriculteurs mise sur les technologies pour transformer leurs pratiques. Dandam Nangor, un analyste informatique de 34 ans, cultive des poivrons dans des serres équipées de capteurs intelligents. Depuis qu’il utilise une application mobile développée par la start-up Green Eden, il contrôle à distance l’irrigation, la température et l’apport en engrais. Résultat : ses récoltes ont augmenté de 400 kilos.
Cette innovation s’inscrit dans un contexte où le changement climatique frappe durement le secteur agricole nigérian. Sécheresses, pluies diluviennes et températures imprévisibles menacent la sécurité alimentaire du pays, dont l’agriculture représente plus de 20 % du PIB. Face à ces défis, des entrepreneurs locaux développent des solutions adaptées aux réalités du terrain. Stephanie Meltus, fondatrice de Green Eden, a conçu un système qui collecte des données sur le sol et l’environnement pour optimiser les cultures. Déjà déployé dans plus de 70 exploitations, cet outil vise à « combler le fossé technologique » en Afrique.
Dans le domaine de l’élevage, Miriam Agbo, 24 ans, a lancé Anatsor, une solution connectée pour les fermes avicoles. Des capteurs mesurent la température, l’humidité et la qualité de l’air, alertant les éleveurs en temps réel. Mercy Atsuku Msenhemba, qui élève des poules pondeuses, témoigne : « Je reçois des notifications pour ajuster les conditions dans le poulailler. La mortalité a chuté, et mon stress aussi. » À 150 dollars, le système est accessible pour de nombreux petits exploitants.
Cependant, la révolution agricole 2.0 se heurte à des obstacles. Le taux de connectivité internet au Nigeria plafonne à 40 %, et les zones rurales restent souvent exclues. Les initiatives reposent principalement sur des fonds privés et des efforts individuels, en l’absence de politiques publiques structurées. Gambo Wadams Zakka, étudiant en littérature anglaise, a conçu AgriTech Innovator, un système d’alerte par SMS pour prévenir les invasions de nuisibles et informer sur les prix du marché. Mais son projet peine à trouver des financements.
Malgré ces défis, l’enthousiasme est palpable. Pour Nuhu Adamu Gworgwor, professeur d’agronomie à l’Université de Jos, les technologies permettent de « prendre des décisions éclairées et de maximiser les ressources ». Pourtant, certains experts regrettent que ces innovations ne promeuvent pas davantage l’agroécologie, une approche plus durable. Dans un pays où 33 millions de personnes auront besoin d’aide alimentaire en 2025, selon le Programme alimentaire mondial, l’agritech représente une lueur d’espoir, à condition de former les agriculteurs et d’investir massivement dans les infrastructures numériques.