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Un bus-musée pour enseigner l’horreur des Khmers rouges aux jeunes Cambodgiens

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Au Cambodge, un projet pédagogique itinérant plonge les nouvelles générations dans l’histoire sombre du régime de Pol Pot, entre devoir de mémoire et quête de réponses.

Sous un barnum dressé près d’un bus aménagé en espace éducatif, Mean Loeuy, survivant des camps de travail khmers rouges, partage son récit devant des élèves silencieux. « Un grain de riz trempé dans l’eau, c’était notre ration quotidienne », murmure-t-il, évoquant les années de torture et de famine qui ont emporté une grande partie de sa famille. Ce témoignage poignant s’inscrit dans une initiative lancée en 2024 : un musée mobile parcourt les régions cambodgiennes pour sensibiliser les jeunes à l’un des chapitres les plus tragiques de leur histoire.

À bord de ce véhicule climatisé, des tablettes, des bandes dessinées et des archives judiciaires retracent le parcours des Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens (CETC), chargées de juger les responsables du génocide. Plus de 60 000 élèves ont déjà participé à ces ateliers interactifs, dont certains organisés à quelques kilomètres d’anciens camps de travail, comme celui de Trapeang Thma, où des milliers de victimes périrent. Dans les pagodes alentour, les crânes des disparus alignés sur des étagères rappellent l’ampleur des crimes.

Pour Mouy Chheng, 14 ans, ces séances éclairent des récits familiaux jusque-là flous. « Mes parents en parlaient peu. Aujourd’hui, je mesure la brutalité de cette époque », confie-t-elle. Les questions fusent lors des débats animés par d’anciens juristes des CETC : « Pourquoi Pol Pot n’a-t-il pas été condamné ? Comment expliquer tant de morts ? » Ven Pov, ex-avocat des parties civiles, tente d’y répondre, tout en reconnaissant les zones d’ombre persistantes.

Si les CETC ont clos leurs procès en 2022, leur mission se prolonge à travers la conservation de centaines de milliers de documents accessibles à Phnom Penh. Un héritage précieux, selon les experts, dans un pays où près des deux tiers de la population est née après les massacres. Pourtant, le bilan judiciaire reste limité : seuls trois hauts responsables ont été condamnés, tandis que d’anciens cadres khmers rouges vivent en liberté.

Cette initiative pédagogique, bien que tardive, représente un rempart contre l’oubli. « Ces leçons sont cruciales dans un contexte où le pouvoir instrumentalise parfois la mémoire », souligne un universitaire spécialiste des transitions post-conflits. Le bus-musée, en sillonnant les campagnes, tisse un fil fragile entre passé et présent, pour que l’histoire ne se répète plus.

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