Un règlement de comptes sanglant à Saint-Ouen : deux hommes condamnés à de lourdes peines de prison
Le 3 janvier 2021, un dealer de 26 ans a été sauvagement lynché dans une cité de Seine-Saint-Denis. Après deux semaines de procès, deux des sept accusés écopent de 17 et 19 ans de réclusion.
La cour d’assises de Seine-Saint-Denis a rendu son verdict mercredi dans une affaire de meurtre particulièrement violente survenue à Saint-Ouen. Deux hommes, Chakibe Abzar et Karim Lmghari, ont été condamnés respectivement à 17 et 19 ans de prison pour leur participation au lynchage de Kevin G., un revendeur de drogue de 26 ans. Les cinq autres prévenus, dont le frère de Chakibe, ont été acquittés faute de preuves suffisantes.
Les faits remontent au soir du 3 janvier 2021. Kevin G., seul et sans arme, a été attaqué par un groupe d’individus dans un quartier connu pour ses trafics. Les images de vidéosurveillance montrent une scène d’une rare brutalité : la victime a reçu 14 coups de batte de baseball enroulée de fil barbelé et 35 coups de couteau, dont un mortel à la cuisse. Les deux condamnés ont reconnu avoir porté des coups, mais les autres accusés ont bénéficié du doute, notamment en raison du manque de témoignages clairs.
Le procès, qui s’est déroulé dans un climat tendu, a été marqué par une omerta persistante. Plusieurs témoins ont refusé de se présenter ou ont gardé le silence, craignant des représailles. Trois d’entre eux ont même été condamnés à 1 000 euros d’amende pour non-comparution. Le président de la cour, Marc Sommerer, a déploré cette atmosphère de peur, comparant la situation à celle des milieux mafieux, bien que moins organisée.
Pour l’accusation, ce meurtre s’inscrit dans un contexte de rivalités liées au trafic de stupéfiants. Kevin G., décrit comme un revendeur « vulnérable », aurait tenté de reprendre un point de vente en sollicitant l’aide d’un narcotrafiquant local, El Mehdi Zouhairi, actuellement en fuite au Maroc. Cette alliance aurait été perçue comme une trahison par les accusés, déclenchant une « expédition punitive ».
La défense, quant à elle, a plaidé pour une rixe sans lien direct avec le trafic de drogue, mettant en avant un climat de violence endémique dans lequel ces jeunes ont grandi. Les avocats ont souligné l’effet de groupe et la pression sociale qui ont poussé leurs clients à participer à cette agression.
Malgré les condamnations, de nombreuses zones d’ombre subsistent. Le mobile exact du crime n’a pas été clairement établi, et les liens avec le narcotrafic restent difficiles à prouver. Ce verdict met en lumière les défis auxquels font face les autorités judiciaires dans des affaires marquées par la loi du silence et la complexité des réseaux criminels.