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Maternité sous haute tension dans le nord-est nigérian

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Dans cette région en proie à l’insécurité, les femmes enceintes affrontent un double péril. L’accès aux soins obstétricaux relève du parcours du combattant entre couvre-feux, barrages militaires et menace jihadiste.

Au cœur de la nuit, l’épouse de Lawan Mustafa, arrivée à terme, s’est réveillée en proie à une hémorragie. Malgré l’urgence, son mari a dû temporiser, redoutant les dangers qui guettent quiconque s’aventure dans les rues de Magumeri après le coucher du soleil. Cette localité du nord-est nigérian, bien que dotée d’une base militaire en périphérie, reste sous l’emprise nocturne de groupes armés et de milices d’autodéfense susceptibles de considérer tout déplacement comme suspect.

Le Nigeria détient le triste record du taux de mortalité maternelle le plus élevé au monde, avec 993 décès pour 100 000 naissances selon les données sanitaires internationales. Ce chiffre s’inscrit dans un contexte de délabrement avancé du système de santé. Les infrastructures hospitalières vieillissantes, l’exode des personnels soignants et les grèves répétées pour obtenir le paiement des salaires ajoutent aux difficultés structurelles.

L’insurrection jihadiste, active depuis seize ans dans cette région, complique davantage l’accès aux services médicaux. Les femmes rencontrent des obstacles multiples pour rejoindre les centres de santé, entre les risques sécuritaires, les restrictions de circulation imposées par l’armée et les couvre-feux. « Je tentais de la rassurer car toute sortie était exclue », confie Lawal Mustafa, père de cinq enfants. Ce n’est qu’à l’aube, lorsque les musulmans se lèvent pour la prière matinale, qu’il a pu entreprendre le trajet vers l’hôpital. Un départ trop tardif qui s’est soldé par le décès de son épouse et de leur nouveau-né.

Si la mortalité maternelle a connu une baisse régulière au cours de la dernière décennie, le Nigeria concentre à lui seul un quart des décès maternels mondiaux, avec 75 000 femmes qui succombent chaque année durant leur grossesse ou leur accouchement. Les experts pointent la conjugaison de plusieurs facteurs, dont la pauvreté qui affecte plus de 60 % de la population malgré les ressources pétrolières du pays. Les traditions culturelles restreignent également l’autonomie des femmes, limitant leur accès à la contraception et leur possibilité de se déplacer hors de leur village, particulièrement dans les zones septentrionales conservatrices.

La situation sécuritaire, marquée par une recrudescence des attaques cette année, dissuade de nombreux déplacements médicaux. « Une patiente hésitera à parcourir une longue distance en se demandant si elle ne risque pas d’être enlevée sur la route », observe un responsable humanitaire. Les professionnels de santé constituent également des cibles privilégiées pour les kidnappings, ce qui aggrave la pénurie de personnel médical dans les zones rurales.

La route reliant Maiduguri, capitale régionale mieux équipée, à Magumeri illustre ces difficultés. Fermée quotidiennement par l’armée dès 17 heures, cette artère vitale de 50 kilomètres prive les populations locales de l’accès aux médecins, aux médicaments et aux équipements spécialisés. Même en journée, la circulation n’offre aucune garantie de sécurité. Un ambulancier évoque avec appréhension les tentatives de vol de son véhicule par des combattants, le même jour où ceux-ci attaquaient la clinique de Magumeri.

Dans un village environnant, Falmata Kawu se remémore le décès de sa fille Aïsa, âgée de deux ans, des suites de complications liées à la malnutrition. Bien que la route fût exceptionnellement ouverte ce jour-là, permettant un transfert immédiat vers l’hôpital de Maiduguri, l’enfant n’a pas survécu. La jeune mère souligne amèrement que des conditions de vie plus sûres et un système de santé mieux doté auraient peut-être permis de sauver sa fille.

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