Dans les quartiers défavorisés de la capitale péruvienne, l’accès à l’eau potable relève du parcours du combattant. Livrés par camions-citernes, les habitants doivent composer avec des conditions sanitaires précaires et des inégalités criantes.
Au cœur des collines arides qui entourent Lima, des milliers de personnes vivent sans accès à l’eau courante. Dans ces zones périphériques, comme à Pamplona Alta ou San Juan de Miraflores, les habitants dépendent entièrement des livraisons hebdomadaires de camions-citernes. Catalina Ñaupa, une habitante de 59 ans, témoigne des difficultés quotidiennes. « Nous souffrons de maux d’estomac et de migraines. L’eau que nous recevons contient souvent des larves », déplore-t-elle.
Lima, deuxième plus grande ville au monde construite dans un désert après Le Caire, est pourtant traversée par trois cours d’eau et dispose d’une nappe phréatique. Cependant, la faible pluviométrie et les infrastructures défaillantes privent plus de 635 000 personnes d’un accès régulier à l’eau potable, selon les données de l’Institut national de statistique péruvien. Les quartiers informels, situés sur les hauteurs de la ville, sont particulièrement touchés, car les réseaux de distribution n’y sont jamais parvenus.
Chaque semaine, un camion-citerne livre gratuitement 1 000 litres d’eau par famille, soit environ 30 litres par personne et par jour. Un volume bien en deçà des 50 à 100 litres recommandés par l’ONU pour un accès suffisant. Pire encore, en période de pluies, les livraisons deviennent irrégulières en raison des routes boueuses et dangereuses. « L’hiver, le camion ne peut pas monter jusqu’ici », explique Catalina Ñaupa, qui doit rationner l’eau pour tenir jusqu’à la prochaine distribution.
Selon les experts, le problème ne réside pas uniquement dans la rareté de la ressource, mais aussi dans les inégalités sociales et territoriales. « Le changement climatique affecte les réserves d’eau, mais la véritable question est celle de la marginalisation des populations pauvres », souligne Antonio Ioris, professeur de géographie à l’Université de Cardiff. Les habitants des quartiers reculés doivent souvent payer six fois plus cher pour s’approvisionner en eau que ceux reliés au réseau public.
Ces disparités sont visibles à travers le « mur de la honte », une barrière de béton de dix kilomètres qui sépare les quartiers pauvres de La Nueva Rinconada du district aisé de Santiago de Surco. Alors que les habitants de Surco consomment en moyenne 200 litres d’eau par jour et par personne, ceux de La Nueva Rinconada luttent pour obtenir quelques litres. « Surco, c’est un autre monde », commente Cristel Mejia, présidente d’une association locale. Les rues y sont verdoyantes, arrosées avec de l’eau potable, tandis que de l’autre côté du mur, la précarité règne.
Face à cette situation, les autorités locales et les chercheurs appellent à une meilleure planification urbaine et à des investissements massifs pour garantir un accès équitable à l’eau. Sans cela, les inégalités ne feront que s’accentuer, laissant des milliers de Liméniens dans une situation de vulnérabilité permanente.