Plante sacrée aux vertus thérapeutiques, l’iboga suscite autant de convoitises scientifiques que de défis économiques pour le Gabon, gardien de cette ressource ancestrale.
Au cœur des forêts gabonaises, l’iboga se révèle bien plus qu’une simple plante. Cet arbuste endémique, intimement lié à la spiritualité bwiti, représente un patrimoine culturel et médicinal inestimable. Ses racines, transformées en poudre hallucinogène, sont utilisées depuis des siècles lors de cérémonies initiatiques, mais aussi pour leurs propriétés curatives.
La science moderne s’intéresse de près à l’ibogaïne, l’un de ses principes actifs, dont les effets prometteurs sur les addictions, les troubles psychologiques et les maladies neurodégénératives ont été confirmés par plusieurs recherches. Cette découverte a provoqué un engouement international, plaçant le Gabon face à un dilemme : préserver ses traditions tout en valorisant économiquement cette ressource naturelle.
Sur le terrain, les pratiques ancestrales perdurent. Dans le village de Ndossi, près de Libreville, des initiés consomment toujours l’iboga lors de rituels sacrés. Certains, comme Teddy Van Bonda Ndong, y voient un remède quotidien pour leur équilibre physique et mental. D’autres, à l’image de Stephen Windsor-Clive, venu spécialement du Royaume-Uni, espèrent y trouver une solution à des problèmes médicaux complexes, là où la médecine conventionnelle a échoué.
Pourtant, le Gabon peine à tirer pleinement profit de ce potentiel. Alors que des brevets étrangers fleurissent et que des cliniques spécialisées ouvrent leurs portes en Europe ou en Amérique, le pays reste en retrait. Le docteur Yoan Mboussou tente bien de développer une production locale sous forme de compléments alimentaires, mais les obstacles réglementaires et le manque d’infrastructures industrielles limitent son ambition.
Les autorités gabonaises affichent désormais leur volonté de mieux protéger et exploiter cette richesse nationale. Un cadre juridique est en cours d’élaboration, incluant la possible création d’une indication géographique pour un « iboga made in Gabon ». Reste à concilier respect des traditions, enjeux économiques et préservation de la biodiversité dans ce dossier aussi complexe que prometteur.