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Le malaise afrikaner : entre sentiment de persécution et attachement à la terre

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Dans les allées du plus grand salon agricole sud-africain, les fermiers blancs oscillent entre crainte et résilience, révélant une communauté tiraillée par son héritage.

Sous le soleil écrasant de Bothaville, le salon Nampo bat son plein. Tracteurs géants, bétail et pick-up – les incontournables *bakkies* – composent le décor de cette foire agricole, cœur battant de l’agriculture sud-africaine. Pourtant, derrière l’apparente unité des chemises kaki et des visages burinés par le soleil, les fermiers afrikaners affichent des divisions profondes sur un sujet sensible : la persécution supposée de leur communauté.

Pour certains, comme John Potgieter, jeune producteur de maïs, la menace est réelle. « Parler de génocide n’est pas exagéré », affirme-t-il, pointant du doigt le mémorial érigé en hommage aux agriculteurs tués depuis 1961. Vingt-cinq noms y ont été ajoutés l’an dernier, alimentant un récit de violence ciblée. Pourtant, lui-même nuance : « Ce n’est pas comparable à l’Holocauste, mais les attaques existent. »

D’autres, comme Eduard van der Westhuizen, éleveur dans la région de Johannesburg, balayent ces craintes. « On est plus en sécurité ici qu’en ville », assure-t-il, brandissant son bâton de berger comme un symbole de son attachement à la terre. « Ce pays est le mien, je n’irai nulle part ailleurs. » Une position partagée par un vendeur d’équipements agricoles, qui qualifie de « farce » l’initiative de Donald Trump d’accueillir des fermiers afrikaners comme réfugiés.

Parmi les jeunes générations, les avis divergent aussi. Danny Snyman, 18 ans, voit dans les déclarations de l’ancien président américain une façon de « réveiller les consciences », malgré le faible nombre de meurtres signalés autour des plantations familiales. « Les vols de tracteurs ou de panneaux solaires sont plus fréquents que les agressions », concède-t-il.

Le salon Nampo, étalé sur 40 hectares, reflète cette ambivalence. Entre stands de semences et démonstrations de moissonneuses, des vendeurs d’armes proposent fusils automatiques et pistolets. « Les ventes fluctuent avec les pics de violence », explique un représentant de Dave Sheer Guns, soulignant l’importance de l’autodéfense.

Pourtant, des voix comme celle de Dwayne Kaschula, élu jeune agriculteur de l’année, tempèrent le discours alarmiste. « Avec des précautions, les risques sont limités », estime cet exploitant de 3 000 hectares. Même Hanle Visser, dont la grand-mère a survécu à une attaque, relativise : « Ces drames font partie de la vie, où que l’on soit. »

Dans cette Afrique du Sud où le taux d’homicides reste parmi les plus élevés au monde, la question afrikaner dépasse les simples statistiques. Elle touche à l’identité, à la mémoire et à cette terre que beaucoup, malgré tout, refusent de quitter.

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