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Culture

La Croatie face à la résurgence inquiétante de ses démons nationalistes

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_**La multiplication des actes et des discours ultranationalistes, ainsi qu’une tendance au révisionnisme historique, font craindre une dégradation du climat social et politique dans le pays, selon plusieurs analystes.**_

L’année 2025 a été marquée en Croatie par une série d’événements qui ont mis en lumière la persistance, voire l’amplification, de courants idéologiques extrêmes. Ces phénomènes, observés depuis plusieurs années, semblent avoir connu une accélération notable, suscitant l’inquiétude des observateurs de la région. Ils s’expriment à la fois par une réhabilitation insidieuse de périodes sombres de l’histoire nationale et par des actions hostiles visant des minorités ou des expressions culturelles spécifiques.

Parmi les faits les plus significatifs figure le concert massif donné à Zagreb au mois de juillet par une figure controversée de la scène musicale locale, Marko Perkovic, connu sous le nom de Thompson. Rassemblant plusieurs centaines de milliers de personnes, ce rassemblement a été le théâtre de chants employant des formules associées au régime oustachi, une entité collaborationniste de la Seconde Guerre mondiale. La présence à cet événement, ou à ses préparatifs, de personnalités politiques de premier plan, dont le chef du gouvernement, a été perçue comme un signe de normalisation de ces références.

Cette dynamique s’inscrit dans un contexte politique où la coalition au pouvoir intègre un parti aux positions nationalistes affirmées, prônant des valeurs conservatrices sur les plans sociétal et identitaire. Parallèlement, des tentatives de remise en question du travail de mémoire se sont manifestées jusque dans l’enceinte parlementaire, notamment au travers de discussions contestant le bilan établi du camp de Jasenovac, ce qui a provoqué une vive réprobation de la part de la communauté juive.

Les répercussions de cette atmosphère se font également sentir sur les relations intercommunautaires. La minorité serbe de Croatie, dont les droits étaient une condition de l’adhésion du pays à l’Union européenne, rapporte une détérioration palpable du climat. Des incidents, tels que l’interruption violente d’une manifestation culturelle serbe par des individus masqués en novembre, ou la prolifération de graffiti hostiles, sont venus concrétiser ces tensions. Les représentants de cette communauté estiment que la situation n’a jamais été aussi tendue depuis la fin des conflits des années 1990.

Un aspect préoccupant pour les experts réside dans la composition des publics attirés par ces manifestations nationalistes. De nombreuses familles avec de jeunes enfants et des adolescents, n’ayant pas connu la guerre, assistent à ces rassemblements où sont exhibés des symboles d’extrême droite. Cette exposition précoce à des idéologies radicales, dans un contexte international où celles-ci gagnent en visibilité, alimente des craintes quant à l’évolution des mentalités chez les nouvelles générations.

Face à cette montée en puissance, des voix s’élèvent pour appeler à une réaction. Un rassemblement antifasciste a ainsi réuni plusieurs milliers de personnes à la fin de l’année, ses organisateurs enjoignant à la « majorité silencieuse » de se prononcer contre ce qu’ils considèrent comme des dérives dangereuses pour la démocratie et la cohésion sociale. L’enjeu pour la Croatie semble être de contenir des forces qui, si elles ne sont pas nouvelles, paraissent aujourd’hui plus audibles et plus assumées.

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