Économie
Inégalités: comment ralentir le train infernal des ultra-riches
En cinquante ans, l’objet de fascination est passé de l’homme fictionnel qui valait trois milliards à l’homme bien réel qui en vaut près de cent fois plus: Elon Musk, première fortune mondiale, est le symbole du creusement toujours plus profond des inégalités détaillées dans un rapport.
Le constat est sans appel: les très riches ont vu leur fortune croître grâce à des patrimoines essentiellement financiers ces dernières années, constate le World Inequality Report 2022 publié mardi, un rapport annuel dressant un état des lieux détaillé des inégalités mondiales.
Coordonné par l’économiste Lucas Chancel, avec la contribution de Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, ce rapport de 228 pages milite pour la mise en place d’une imposition progressive du patrimoine à l’échelle mondiale, ainsi que d’un registre financier international afin d’agir contre l’évasion fiscale.
Pour une petite caste, ce patrimoine est stratosphérique: le classement du magazine américain Forbes qui évalue ce que possèdent les plus riches en temps réel, montre que les dix premiers possèdent plus de 100 milliards de dollars chacun. En tête, le patron de Tesla avec 266 milliards de dollars.
Tous américains à l’exception du patron français du groupe de luxe LVMH Bernard Arnault, ils ont amassé leur fortune à 12 chiffres essentiellement dans la tech grâce à une envolée des cours boursiers. Jeff Bezos, à la deuxième place, détient 9,9% d’Amazon, et Mark Zuckerberg 12,3% de Facebook.
Polarisation des richesses
« Après plus de 18 mois de Covid-19, le monde est encore plus polarisé » en termes d’inégalités de richesse, souligne Lucas Chancel, codirecteur du World Inequality Lab à l’Ecole d’économie de Paris.
« Pendant que le patrimoine des milliardaires a pris plus de 3.600 milliards d’euros, ce sont 100 millions de personnes supplémentaires qui ont rejoint les rangs de l’extrême pauvreté », détaille-t-il, alors que depuis 25 ans l’extrême pauvreté avait baissé.
Selon le rapport, les 52 personnes les plus fortunées ont vu la valeur de leur patrimoine croître de 9,2% par an depuis 25 ans, largement plus que les catégories moins dotées.
Le club du 1% le plus riche, soit les personnes détenant plus de 1,3 million de dollars en patrimoine, a lui capté plus du tiers de la fortune accumulée sur la planète depuis 1995.
« Etant donné la concentration très forte des richesses, une taxation modeste et progressive peut engendrer des revenus significatifs pour les gouvernements » dont l’endettement s’est envolé face à la crise de 2007-2008 et la pandémie, propose le rapport.
Actifs financiers
Là où l’imposition sur le patrimoine se focalise aujourd’hui trop sur le foncier, il milite pour une modernisation et une progressivité de cette taxation. Toutes les formes d’actifs doivent être concernées, surtout les actifs financiers qui représentent l’essentiel des fortunes modernes.
Le rapport évalue une hypothèse de taxation en plusieurs tranches, à partir de 1 million de dollars, et progressive jusqu’à une tranche haute supérieure à 100 milliards de dollars de patrimoine.
Sur l’évasion fiscale, le rapport préconise la création d’un registre financier international, par exemple sous l’égide de l’OCDE ou de l’ONU, qui « permettrait aux autorités fiscales et réglementaires de vérifier si les contribuables déclarent correctement leurs actifs et revenus du capital, indépendamment de ce que les institutions financières offshore veulent communiquer ».
Parallèlement, le World Inequality Report appelle à maintenir une taxation sur le patrimoine aux expatriés, et imposer une « exit tax » de plusieurs années pour les contribuables qui décident de déménager pour raisons fiscales. Les échanges d’informations plus automatiques désormais entre juridictions fiscales et les progrès du numérique permettront une application plus précise des règles, explique également ce rapport.
« On observe les prémices d’un changement », veut croire Lucas Chancel, citant l’introduction récente d’une contribution exceptionnelle sur les grandes fortunes en Argentine, un débat sur le sujet lors des récentes élections législatives allemandes, et le volontarisme du président américain Joe Biden, bien que plusieurs de ses initiatives se heurtent au Congrès.
L’adoption après des années de négociations d’un projet d’imposition minimale à 15% sur les riches multinationales est aussi selon lui un signe du changement à l’oeuvre.
« On y arrivera à un moment tout simplement car il y a un besoin des Etats de financer leurs dépenses », ajoute-t-il.
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Économie
Gaz américain et européen au plus haut depuis un an, pour des raisons différentes
Le prix du gaz naturel a atteint un sommet inédit depuis un an, avec des causes distinctes selon les continents.
Le marché du gaz naturel a connu une flambée spectaculaire, atteignant des sommets jamais vus depuis plus d’un an, tant en Europe qu’aux États-Unis. En Amérique du Nord, les fluctuations météorologiques ont été le moteur principal de cette hausse, tandis qu’en Europe, les tensions géopolitiques ont été le catalyseur.
Aux États-Unis, les prévisions météorologiques ont joué un rôle crucial dans l’envolée des prix. Selon Masanori Odaka de Rystad Energy, les prévisions de températures inférieures aux normales saisonnières dans l’Ouest des États-Unis pour la première semaine de décembre ont stimulé la demande de gaz naturel. Eli Rubin d’EBW Analytics Group a noté que cette situation marque un tournant après un automne particulièrement doux qui avait jusqu’alors maintenu la consommation à un niveau bas. La perspective d’un hiver rigoureux a incité les spéculateurs à se couvrir, entraînant une hausse des prix qui a dépassé plusieurs seuils techniques. Cependant, la production pourrait augmenter en réponse à ces prix plus attractifs, ce qui pourrait stabiliser ou même faire baisser les cours si les conditions météorologiques redeviennent clémentes.
En Europe, le contexte est différent mais tout aussi préoccupant. Le TTF néerlandais, référence pour le marché européen, a vu ses prix grimper en raison de l’arrivée de l’hiver, mais surtout à cause des tensions géopolitiques. Gazprom, le géant gazier russe, a interrompu ses livraisons à l’Autriche, exacerbant les inquiétudes sur l’approvisionnement. De plus, un regain de tension militaire entre la Russie et l’Occident, illustré par l’utilisation de missiles balistiques, a contribué à cette hausse des prix. Ces événements rappellent la fragilité des marchés énergétiques face aux aléas géopolitiques.
Sur le marché du pétrole, les prix du Brent et du WTI ont également augmenté, reflétant une certaine solidarité avec le gaz naturel, bien que les dynamiques de marché soient distinctes. Le Brent a terminé à 74,23 dollars le baril, tandis que le WTI a atteint 70,10 dollars, soulignant une tendance haussière générale dans le secteur énergétique.
Économie
Ryanair menace d’arrêter de desservir dix aéroports régionaux français
En réponse à une hausse de la taxation aérienne, Ryanair envisage de réduire sa présence dans les régions françaises dès janvier 2025.
Face à la perspective d’une augmentation significative de la taxation du secteur aérien inscrite dans le budget 2025, la compagnie aérienne low-cost Ryanair a publiquement menacé de cesser ses opérations dans dix aéroports régionaux français. Cette décision, si elle est mise à exécution, pourrait avoir des répercussions importantes sur la connectivité aérienne des régions françaises, déjà fragilisées par des défis économiques et concurrentiels.
Le gouvernement, dans une tentative de combler un déficit budgétaire plus élevé que prévu, propose un triplement de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) et une augmentation de la taxation des passagers de jets privés, visant à collecter un milliard d’euros supplémentaires. Cette mesure, bien que destinée à renforcer les finances publiques, pourrait entraîner une réduction drastique des services aériens dans les régions, selon Jason McGuinness, directeur commercial de Ryanair. Il a souligné que cette augmentation des taxes rendrait de nombreuses routes non viables économiquement, affectant particulièrement les zones rurales et moins desservies.
Ryanair, qui dessert actuellement 22 aéroports en France, dont deux près de Paris, envisage de réduire sa capacité de 50% dans les aéroports régionaux si le projet de taxation se concrétise. Cette menace n’est pas isolée; le PDG de Ryanair, Michael O’Leary, avait déjà indiqué des réductions de capacités en France et en Allemagne en réponse à des politiques fiscales similaires.
La compagnie aérienne, déjà confrontée à des défis opérationnels tels que des retards de livraison d’appareils et une demande en baisse, considère que l’augmentation de la TSBA représente un « problème fondamental pour la connectivité des régions françaises ». McGuinness a souligné l’intense concurrence entre les aéroports européens pour attirer des lignes aériennes, indiquant que Ryanair orienterait ses ressources vers les régions et pays offrant des conditions fiscales plus favorables.
Les impacts potentiels de cette réduction de service ne sont pas seulement économiques pour les régions concernées, mais également culturels et sociaux, en isolant davantage des territoires déjà en marge. La Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (Fnam) a également mis en garde contre une baisse du trafic aérien pouvant atteindre 2% sur l’ensemble du territoire, avec des conséquences encore plus marquées pour les aéroports accueillant des compagnies à bas coûts.
Économie
Après Michelin, ArcelorMittal envisage la fermeture de deux sites en France
Après Michelin, le géant ArcelorMittal annonce la possible cessation d’activité de ses centres de Reims et Denain, menaçant 130 emplois.
La sidérurgie française fait face à un nouveau coup dur avec l’annonce d’ArcelorMittal, deuxième sidérurgiste mondial, qui envisage la fermeture de deux de ses sites en France. Cette décision, motivée par une baisse significative de la demande dans les secteurs de l’industrie et de l’automobile, pourrait entraîner la suppression de 130 emplois, principalement à Reims et à Denain.
Le 19 novembre 2024, lors d’une réunion avec le Comité Social et Économique (CSE), ArcelorMittal Centres de Services a présenté un projet de réorganisation et d’adaptation de ses capacités de production. Cette réorganisation inclut potentiellement la cessation d’activité des sites de Reims et de Denain. La direction a expliqué que cette mesure était rendue nécessaire par une « forte baisse d’activité chez ses clients de l’industrie et de l’automobile », soulignant que cette situation s’était aggravée ces derniers mois.
Les répercussions sociales de cette annonce sont immédiates et profondes. Environ 100 emplois seraient menacés à Reims et 30 à Denain. David Blaise, délégué syndical central CGT, et Xavier Le Coq, coordinateur CFE-CGC, ont exprimé leur inquiétude face à cette situation, pointant du doigt une gestion de crise qui, selon eux, ne prévoit pas suffisamment de solutions alternatives. Blaise critique notamment l’absence d’anticipation de la part de la direction, déplorant que « rien n’a été anticipé » pour faire face à la crise de l’automobile.
ArcelorMittal prévoit des négociations avec les syndicats pour discuter des mesures sociales visant à atténuer l’impact sur l’emploi. Cependant, les réactions sont vives : le site de Denain s’est mis en grève immédiatement, et des actions sont prévues sur l’ensemble des sites d’ArcelorMittal en France pour les prochains jours. Ces mouvements de protestation reflètent une frustration croissante parmi les salariés, encore marqués par la fermeture des hauts fourneaux de Florange en 2012.
Le contexte économique actuel, marqué par une réduction des ventes dans l’automobile, a déjà conduit Michelin à annoncer la fermeture de ses usines de Vannes et Cholet, affectant 1.254 emplois. Le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, a reconnu que d’autres annonces de fermetures pourraient suivre, soulignant néanmoins la nécessité de soutenir les secteurs industriels en croissance.
Cette situation illustre une crise plus large au sein de l’industrie manufacturière européenne, particulièrement dans l’automobile où 32.000 suppressions de postes ont été annoncées au premier semestre chez les équipementiers. La question de la diversification et de l’adaptation des entreprises à un marché en mutation est désormais plus que jamais d’actualité.
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