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Chili : l’ombre de la dictature plane sur une enclave germanique controversée

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Ancien repaire de tortures sous Pinochet, cette communauté germano-chilienne résiste farouchement à la transformation de son territoire en mémorial.

Au cœur des paysages verdoyants du Chili, à 380 kilomètres au sud de Santiago, se dresse une enclave au passé aussi sombre qu’indélébile. Fondée en 1961 sous le nom de Colonia Dignidad, cette communauté dirigée par un ancien infirmier allemand, Paul Schäfer, a longtemps caché derrière ses allures de village bucolique un système de terreur. Esclavage, abus sexuels sur mineurs et complicité avec la dictature d’Augusto Pinochet ont marqué à jamais son histoire.

Aujourd’hui rebaptisée Villa Baviera, l’enclave est devenue un centre agricole et touristique, mais les cicatrices du passé resurgissent. Le gouvernement chilien, sous l’impulsion du président Gabriel Boric, a décidé d’exproprier 116 hectares pour y ériger un mémorial en hommage aux victimes de la dictature. Un projet qui divise profondément les 122 habitants actuels, descendants des premiers colons ou employés locaux.

Pour ces résidents, souvent nés sur place, cette décision est vécue comme une nouvelle forme de violence. Ils estiment que ces terres, bien que souillées par les crimes commis, représentent aussi le fruit de leur labeur. Certains, comme Markus Blanck, responsable des entreprises locales, redoutent l’impact économique de cette expropriation. D’autres, comme Ana Schnellenkamp, soulignent l’attachement viscéral des anciens colons à ce lieu, malgré les souffrances endurées.

Les plaies judiciaires ne sont pas refermées. Plusieurs responsables de l’époque, dont des pères de résidents actuels, ont été condamnés pour leur rôle dans les exactions. Schäfer lui-même, arrêté en 2005, est mort en détention avant son procès. Aujourd’hui, les habitants réclament une reconnaissance officielle de leur statut de victimes, à l’image de celle accordée par l’Allemagne à certains ex-membres.

Le gouvernement, déterminé à concrétiser ce mémorial avant la fin du mandat de Boric en 2026, se heurte à une résistance tenace. Entre devoir de mémoire et droit à la propriété, le Chili doit naviguer dans un héritage douloureux, où chaque pierre raconte une histoire de souffrance et de résilience.

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