Le nucléaire français en marche : l’EPR2 prévu pour 2038, un projet colossal et stratégique
Emmanuel Macron repousse de trois ans la mise en service du premier réacteur EPR2, tout en renforçant les ambitions de souveraineté énergétique et de financement public.
Le gouvernement français a révisé son calendrier pour la mise en service du premier réacteur EPR2, désormais prévu pour 2038 au lieu de 2035. Cette annonce, faite à l’issue d’un conseil de politique nucléaire (CPN) présidé par Emmanuel Macron, marque une étape clé dans le programme de relance du nucléaire civil. Initialement, le président avait annoncé en février 2022 la construction de six nouveaux réacteurs, avec une option pour huit autres, visant une mise en service dès 2035. Cependant, un audit gouvernemental avait déjà suggéré un délai plus réaliste, fixé à 2037.
Le coût du projet, estimé à 51,7 milliards d’euros en 2022, a été réévalué à 67,4 milliards d’euros, soit près de 80 milliards aux conditions actuelles. Pour financer ce programme pharaonique, l’État prévoit un prêt bonifié couvrant au moins la moitié des coûts de construction, inspiré du modèle tchèque de Dukovany. Ce prêt serait assorti d’un contrat garantissant un prix plafond de 100 euros par mégawattheure pour l’électricité produite, assurant ainsi une stabilité financière à EDF.
Le report de la décision finale d’investissement, initialement prévue fin 2025, à 2026 s’explique par un contexte énergétique moins tendu qu’en 2022. La production d’EDF a retrouvé son niveau d’avant-crise, et les efforts de sobriété énergétique ont porté leurs fruits. « Il y a moins d’urgence, autant prendre le temps de bien faire », explique une source proche d’EDF. Ce délai supplémentaire permettra également d’optimiser le devis et d’éviter les déboires du chantier de Flamanville, marqué par des retards et des surcoûts.
Parallèlement, le CPN a validé un plan visant à sécuriser l’approvisionnement en uranium, en soutenant Orano (ex-Areva) dans ses efforts pour garantir l’indépendance énergétique de la France. Des travaux préparatoires ont également été lancés pour relancer la recherche sur la fermeture du cycle du combustible, une technologie qui permettrait, à terme, de réutiliser le combustible usé et de réduire les importations d’uranium naturel.
Enfin, le gouvernement explore les possibilités offertes par les petits réacteurs modulaires (SMR), en engageant des discussions avec des start-up pour des implantations potentielles sur les sites de Marcoule et Cadarache. Ces initiatives s’inscrivent dans une stratégie globale visant à renforcer la souveraineté énergétique de la France tout en répondant aux défis climatiques et économiques.
Malgré ces ambitions, le projet continue de susciter des critiques, notamment de la part d’organisations comme Greenpeace, qui dénoncent une « fuite en avant » coûteuse et risquée. Reste à voir si ce programme nucléaire, aussi ambitieux que controversé, parviendra à concilier impératifs énergétiques, contraintes budgétaires et exigences environnementales.