Les habitants de cette localité frontalière du Cachemire racontent leur nuit d’horreur, entre obus, fuites éperdues et deuil collectif.
Les rues de Poonch, habituellement animées, ressemblent désormais à un décor de désolation. Les façades criblées d’impacts, les vitres brisées et les toitures effondrées témoignent de l’intensité des frappes qui ont secoué cette ville proche de la ligne de contrôle entre l’Inde et le Pakistan. La veille encore, une pluie d’obus s’abattait sur les quartiers résidentiels, transformant le quotidien en cauchemar.
Arvinder Pal Singh, commerçant et père de famille, décrit une nuit passée terrée avec les siens, recroquevillés sur le sol de leur maison. « Jamais nous n’avions subi une telle violence », murmure-t-il, le regard hanté. Comme lui, des centaines de civils ont vécu des heures d’angoisse, coincés entre les murs de leurs habitations ou fuyant sous les explosions.
Le bilan est lourd : treize morts, dont deux enfants fauchés sous les yeux d’une voisine impuissante, et des dizaines de blessés. Madasar Choudhary se remébre avec effroi le moment où sa sœur a assisté à cette scène insoutenable. « Elle leur criait de se mettre à l’abri… », raconte-t-il, la voix nouée.
L’exode vers Surankote, localité voisine, a été massif. Zaheer Ahmed Banday, commerçant, évoque son départ précipité : « J’ai juste pris l’essentiel avant de courir. Personne ne pensait que Poonch serait directement visée. » Dans leur fuite, beaucoup ont laissé derrière eux biens et souvenirs, emportant seulement leur peur.
À Surankote, l’afflux de déplacés a provoqué des pénuries. Les distributeurs de billets sont vides, les épiceries prises d’assaut. « Les gens achètent en grande quantité, par crainte d’un nouvel assaut », explique Sanjay Ghai, gérant d’un magasin. L’inquiétude est palpable, alimentée par les déclarations enflammées des dirigeants des deux pays.
Pourtant, parmi les anciens, une forme de résignation persiste. Iqbal Singh, septuagénaire, a traversé trois conflits majeurs : « Cela finira par passer, comme toujours. » Une philosophie que ne partagent pas les jeunes générations, pour qui cette escalade marque un avant et un après. « On nous en parlait, mais le vivre est tout autre », confie Kumail Nadeem, 25 ans.
Dans Poonch vidée de ses habitants, le silence est revenu. Mais la tension, elle, demeure, suspendue à la moindre étincelle qui pourrait rallumer le feu des hostilités.