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Domestiques mineurs au Pakistan, une main-d’œuvre silencieuse

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Au cœur des foyers pakistanais, des centaines de milliers d’enfants sont contraints au travail domestique, une réalité économiquement commode mais socialement condamnée qui perpétue un cycle d’exploitation.

Dans les quartiers résidentiels de Karachi, des enfants comme Amina, treize ans, consacrent leurs journées aux tâches ménagères depuis l’âge de dix ans. Leur existence se partage entre des travaux de nettoyage, de cuisine et de lessive, pour des familles souvent aisées. Cette fillette évoque des journées débutant à l’aube pour s’achever au crépuscule, sans toujours bénéficier du repos dominical promis. Son témoignage reflète le sort de millions de mineurs employés illégalement dans le pays.

Les statistiques officielles indiquent qu’un foyer sur quatre au Pakistan recourait à des domestiques mineurs en 2022. Principalement des filles âgées de dix à quatorze ans, ces enfants perçoivent des salaires dérisoires. Sania, treize ans, partage avec sa mère les corvées d’une famille fortunée pour une rémunération mensuelle équivalant à treize euros. Leur salaire combiné, quarante euros, contraste avec le revenu moyen national fixé à cent vingt-cinq euros. Cette adolescente, qui aspirait à des études médicales, a dû renoncer à sa scolarité pour contribuer aux ressources familiales.

Certains employeurs reconnaissent le caractère illégal de cette pratique tout en invoquant des justifications économiques. Un universitaire employant un garçon de dix ans originaire d’un village éloigné décrit cette main-d’œuvre comme « docile et peu coûteuse ». Bien que conscient des implications morales, il estime offrir à l’enfant des conditions de vie supérieures à celles qu’il connaîtrait dans sa région d’origine. Cette rationalisation masque mal l’inconfort ressenti lorsque le mineur reste à travailler tandis que les enfants de la famille partent pour l’école.

Les défenseurs des droits humains dénoncent une forme d’esclavage contemporain institutionnalisé. Pour les organisations spécialisées, cette situation rend les enfants vulnérables face à des employeurs qui se présentent comme leurs protecteurs. Les drames ne sont pas rares. Le cas d’Iqra, décédée à treize ans sous les coups de ses employeurs après la disparition de confiseries, illustre l’impunité fréquente. Le père de la victime a finalement renoncé aux poursuites judiciaires, invoquant des pressions familiales et ses difficultés financières.

Les autorités provinciales reconnaissent l’insuffisance des mesures répressives. Les amendes infligées aux parents – environ trois euros – n’ont pas d’effet dissuasif. Malgré des inspections régulières, les enfants retournent souvent dans les foyers où ils travaillaient. Les procédures contre les employeurs violents peinent à aboutir, comme en témoigne le cas d’une adolescente brûlée au fer à repasser par ses employeurs, libérés sous caution malgré la gravité des blessures.

Les familles des victimes dénoncent un système judiciaire qui favorise les plus nantis. Une mère évoque l’impossibilité d’obtenir justice face à des employeurs se considérant intouchables. Son amertume traduit le sentiment d’abandon des populations défavorisées, condamnées à choisir entre la précarité économique et la sécurité de leurs enfants.

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