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Corfou, laboratoire du recyclage dans une Grèce en retard

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Alors que la Grèce accuse un retard considérable en matière de valorisation des déchets, l’île de Corfou tente d’imposer un modèle de tri sophistiqué qui contraste avec les pratiques nationales.

Sur l’île touristique de Corfou, des équipes s’affairent à vider des poubelles multicolores dans des camions de collecte. Cette scène représente une innovation notable dans un pays où la gestion des déchets reste souvent désorganisée. Partout en Grèce, il n’est pas rare de voir abandonnés dans l’espace public des matelas, des gravats, des meubles usagés ou même des sanitaires.

Le nord de l’île a pourtant adopté un système de tri particulièrement élaboré. Les habitants disposent d’une douzaine de conteneurs distincts, chacun destiné à une catégorie spécifique de déchets. Le papier, le plastique, l’aluminium, mais aussi les vêtements, les cartouches d’encre, les ampoules, les appareils électriques et les huiles alimentaires bénéficient ainsi d’une collecte séparée. Les services municipaux interviennent même pour enlever les encombrants volumineux sur simple demande.

Cette initiative corfiote tranche avec la situation nationale. La Grèce ne recycle actuellement qu’environ 20 % de ses déchets, un chiffre très inférieur à la moyenne européenne établie à 48,2 %. L’Union européenne impose pourtant aux États membres d’atteindre 65 % de recyclage d’ici 2035.

Le déclic s’est produit à Corfou après la crise de 2018, lorsque l’accumulation d’ordures avait provoqué des manifestations populaires et conduit à la fermeture de la décharge locale. Des témoins évoquent des comportements inciviques généralisés, avec des détritus jetés depuis les balcons ou les véhicules. La municipalité du Nord de Corfou s’est alors inspirée de modèles britanniques et allemands pour impliquer ses 18 000 habitants dans une démarche de tri rigoureuse.

Cette politique permet de réaliser des économies substantielles sur une île où le transport des déchets vers le continent représente une dépense considérable pour les trois municipalités. Sept années après la fermeture de la décharge, une usine de recyclage fonctionne désormais sur place, tandis qu’une unité de traitement complémentaire devrait voir le jour en 2027.

Le défi reste toutefois considérable pour ce territoire qui accueille plus de quatre millions de visiteurs annuels en plus de ses 100 000 résidents permanents. La saison estivale génère un afflux massif de déchets, phénomène amplifié par l’allongement progressif de la période touristique.

Dans le centre de Corfou, le système de tri rencontre encore des difficultés. Les conteneurs dédiés au recyclage sont souvent contaminés par des déchets inappropriés. Certains habitants dénoncent par ailleurs des pratiques de collecte qui mêlent les différents types de déchets, remettant en cause l’efficacité du tri. Dans la vieille ville, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, les poubelles ont dû être retirées en raison de débordements chroniques.

La Grèce subit régulièrement les conséquences juridiques de sa mauvaise gestion des déchets. Le pays a fait l’objet de multiples condamnations par la justice européenne, avec des amendes quotidiennes particulièrement lourdes. Des responsables estiment que ces fonds auraient pu financer plusieurs installations de traitement modernes.

Si le nombre de décharges illégales a été réduit à vingt l’an dernier, les mauvaises habitudes persistent. Récemment, trois individus ont été interpellés après le déversement illégal de deux cents tonnes de viande avariée près d’une rivière. Parallèlement, l’Union européenne a ouvert une enquête sur d’éventuels détournements de fonds concernant des kiosques de recyclage installés à Athènes.

Selon des organisations environnementales, sur les 2,5 milliards de bouteilles en plastique consommées annuellement en Grèce, seulement 30 % sont collectées. Le ministère de l’Environnement, qui n’a pas répondu aux sollicitations, s’est engagé à assainir la gestion des déchets d’ici 2026. Un projet prévoit la construction de six usines d’incinération financées par des capitaux privés d’ici 2030.

Cette orientation suscite cependant des réserves. La municipalité d’Athènes, parmi d’autres collectivités, estime que l’incinération présente des risques sanitaires significatifs et des conséquences environnementales préoccupantes. Le débat sur les solutions optimales pour la gestion des déchets en Grèce reste donc pleinement ouvert.

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