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Europe

Brexit: les pêcheurs boulonnais se font un sang d’encre

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Dans la nuit noire, ils partent « taquiner la seiche »: Pierre Leprêtre, aux commandes de son chalutier, quitte le port de Boulogne-sur-Mer avec un équipage de quatre matelots, pour pêcher dans les eaux anglaises de la Manche tant qu’ils le peuvent encore.

Le ciel et la mer sont couleur d’encre, accentuée par un crachin d’automne, la coque bleue et blanche du « Marmouset 3 » et ses 19,20 mètres de long franchit l’écluse Loubet. La mer, un tantinet agitée, génère un roulis qui berce vigoureusement les matelots allongés dans leurs cabines.

Vers 05H00 du matin, plusieurs sonneries retentissent et Pierre Leprêtre appelle par la radio de bord ses hommes d’équipage « à filer ». En un éclair, les quatre hommes sont à la manoeuvre pour déployer le chalut et jeter leurs espérances à la mer, calme désormais.

Les tensions ressurgissent épisodiquement entre pêcheurs français et britanniques depuis la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne, notamment pour recouvrer sa souveraineté sur les eaux poissonneuses où vont pêcher de nombreux pays voisins.

« En général, ça se passe bien. Enfin, on fait en sorte que ça se passe bien », se reprend tout de suite Pierre Leprêtre. « On a des groupes Whatsapp (avec les pêcheurs britanniques), ils nous indiquent leurs points » de pêche où sont posés leurs casiers pour capturer les crustacés, afin d’éviter de les endommager, explique-t-il.

Le Brexit est néanmoins dans toutes les têtes des pêcheurs boulonnais: « la semaine dernière, j’ai été tout le temps du côté anglais. S’il y a un +no deal+, je ne peux plus y aller », explique un brin anxieux M. Leprêtre.

Les eaux britanniques constituent « 70% à 80% » de son chiffre d’affaires. « Si on ne peut plus aller chez les Anglais, on peut mettre la clé sous la porte », ajoute-t-il, fataliste.

Vers 09H00, nouvel appel par la radio de bord, sonneries à l’appui, « à virer, à virer », comprendre à sortir le chalut pour compter le butin.

Bilan de cette première prise: 90 kilos de seiches, 15 kilos d’encornets, 20 kilos de rougets et une caisse de 20 kilos de maquereaux. « Pas extraordinaire », résume Pierre Leprêtre. « Je vais aller plus au sud, il y a un peu plus d’eau (un peu plus de profondeur) ce sera peut-être meilleur. »

« Fossoyeurs »

« Le poisson suit toujours le même trajet, dans le même secteur à la même époque de l’année », affirme M. Leprêtre, cahiers de pêche à l’appui.

Dans ces registres renseignés par son grand-père, puis par son oncle, et depuis 16 ans par lui, « on marque ce qu’on pêche, les vents, la météo », explique-t-il en manoeuvrant son chalutier d’à peine trois ans, une fierté mais aussi une source d’inquiétude pour lui et son oncle, autre propriétaire du bateau avec l’armement coopératif Scopale.

M. Leprêtre a investi près d’un million d’euros dans ce navire, pour une large part en empruntant sur 20 ans. « On a signé la construction du bateau et 15 jours après, le Brexit a été voté par les Anglais. Si j’avais su, je n’aurais pas signé, les enjeux sont trop importants. »

Les marins boulonnais s’inquiètent aussi de l’appétit grandissant de leurs homologues néerlandais, des « fossoyeurs » de la ressource, selon M. Leprêtre. Il peste contre l’obsession « du chiffre, du chiffre et du chiffre » de ses homologues bataves, dont les bateaux font en moyenne le double des chalutiers tricolores, estime-t-il.

Comme un pied de nez quelques minutes plus tard, paraît à quelques encablures le Scombrus, chalutier-usine géant battant pavillon français mais financé par des capitaux néerlandais, qui avait fait polémique lors de son baptême parmi les organisations environnementales et les artisans-pêcheurs.

« Les Hollandais se sentent plus chez eux que nous chez nous, à Boulogne », renchérit Christopher, matelot. « Quand ils auront tout pêché en Manche, ils iront pêcher ailleurs. »

Le bateau rentre au port dans la nuit, après une journée de pêche qui aura duré près de 24 heures. A bord, 1,7 tonne de produits de la mer dont 740 kilos de seiches. « Une journée moyenne » pour Pierre Leprêtre, qui dépose tout cela à la criée de Boulogne avant de repartir directement vers les eaux anglaises, la cale vide mais la tête toujours pleine de questions.

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Décès

L’ancien président italien Giorgio Napolitano est mort à l’âge de 98 ans

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L'ancien président italien Giorgio Napolitano est mort à l'âge de 98 ans

Né sous Mussolini le 29 juin 1925, Giorgio Napolitano, qui a été élu en 2006, a géré une phase particulièrement turbulente en Italie.

Il était considéré pendant des années comme le garant de la stabilité de l’Italie. L’ancien président italien Giorgio Napolitano (2006-2015), dirigeant historique du Parti communiste et promoteur de la construction européenne, est mort à l’âge de 98 ans, vendredi 22 septembre.

Né sous Mussolini le 29 juin 1925, Giorgio Napolitano a géré une phase particulièrement turbulente en Italie. Elu en 2006, il comptait prendre sa retraite à l’issue de son premier septennat au printemps 2013, après les législatives. Mais les résultats des élections, trop serrés, et l’incapacité des principaux partis à s’accorder sur un éventuel successeur, l’avaient contraint à reprendre du service. Dès son discours d’investiture, particulièrement dur envers les responsables politiques dont il avait dénoncé « la surdité » face aux exigences du pays, il avait annoncé qu’il ne resterait pas sept ans de plus et avait en effet démissionné en janvier 2015.

L’ensemble de la classe politique de la péninsule a rendu hommage à ce Napolitain, qui est reconnu pour sa modération, sa prudence et son sens de l’Etat. Giorgia Meloni, dirigeante du parti post-fasciste Fratelli d’Italia et « présidente du conseil » depuis octobre 2022 a sobrement présenté « les plus profondes condoléances » de son cabinet à la famille de l’ancien président.

L’actuel président de la République, Sergio Mattarella, a rappelé l’engagement européen de l’ancien député au Parlement de Strasbourg qui a mené « des batailles importantes pour le développement social, la paix et le progrès en Italie et en Europe ».

Dans un télégramme à sa veuve, le pape François, en voyage à Marseille, a quant à lui salué un homme ayant consacré son action politique à préserver « l’unité et la concorde » de son pays.

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Europe

Guerre en Ukraine : la Pologne arrête ses livraisons d’armes à l’Ukraine

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Guerre en Ukraine : la Pologne arrête ses livraisons d’armes à l’Ukraine

La Pologne a annoncé la cessation de ses livraisons d’armes à l’Ukraine, provoquant des tensions diplomatiques entre les deux pays alliés.

La Pologne a annoncé mercredi qu’elle avait cessé de fournir des armes à l’Ukraine, marquant une escalade des tensions entre les deux pays alliés au moment où l’Ukraine riposte à l’invasion russe. Le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a déclaré que leur priorité était la modernisation et l’armement de l’armée polonaise pour la renforcer rapidement, sans préciser quand exactement les livraisons d’armes à l’Ukraine avaient cessé.

La Pologne était l’un des plus grands fournisseurs d’armes à l’Ukraine. Cependant, cette décision intervient peu de temps après que Varsovie a interdit l’importation de céréales ukrainiennes pour protéger ses intérêts agricoles. La Pologne a nié que ces deux mesures soient liées, affirmant qu’elle continuait à honorer les contrats d’armement antérieurs avec l’Ukraine.

L’annonce de la Pologne est survenue après la convocation « d’urgence » de l’ambassadeur ukrainien par Varsovie pour protester contre les remarques du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, à l’ONU. Zelensky avait critiqué certains pays pour avoir soutenu indirectement la Russie.

La France a réagi aux tensions entre les deux pays, qualifiant la situation de « regrettable » et suggérant qu’elle résultait de « considérations de politique intérieure ». La décision de l’UE de mettre fin à l’interdiction d’importer des céréales ukrainiennes, prononcée en mai par cinq États membres, a été à l’origine des derniers développements, avec des embargos unilatéraux et des poursuites devant l’OMC.

La Pologne a averti qu’elle élargirait la liste des produits ukrainiens interdits d’importation en réponse à ces actions. Cependant, les deux pays tentent toujours de trouver une solution constructive au problème des céréales.

L’Ukraine, engagée dans une lutte pour sa survie contre la Russie, a déclaré que les mesures prises par la Pologne étaient « inacceptables » et a proposé une résolution du conflit. La communauté internationale surveille de près ces développements, craignant que les tensions diplomatiques ne compromettent les efforts pour soutenir l’Ukraine dans son conflit avec la Russie.

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Europe

La France déroule le tapis rouge pour le roi Charles III et la reine Camilla

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La France déroule le tapis rouge pour le roi Charles III et la reine Camilla

Charles III entame, mercredi, une visite d’État de trois jours, mainte fois reportée en raison des manifestations contre la réforme des retraites en France. Il s’agira donc de sa première visite officielle à Paris en tant que roi.

La France déroule le tapis rouge pour la visite d’État du roi Charles III. Le souverain, en visite pour trois jours, est attendu pour un dîner d’État, mercredi 20 septembre, au château de Versailles, en présence de plus de 150 invités dans la galerie des Glaces.

Son voyage, prévu initialement pour le printemps, avait été reporté en raison des manifestations contre la réforme des retraites. Cette visite sera donc la première en France en tant que roi.

Malgré ce premier rendez-vous manqué au printemps dernier, le programme du monarque britannique de 74 ans et de la reine Camilla, 76 ans, n’a pas été beaucoup modifié. Il oscille entre engagements symboliques forts et rencontres avec des acteurs de la société civile française.

À son arrivée à Paris, le couple royal sera accueilli par le président Emmanuel Macron et son épouse Brigitte à l’Arc de Triomphe, où ils raviveront la flamme du Soldat inconnu en début d’après-midi, avant de descendre les Champs-Élysées, et de participer au fameux dîner d’État au château de Versailles.

Le bureau du président français a déclaré que ce dîner fait écho à la visite d’État de la reine Élisabeth II en 1972, lorsqu’elle a été accueillie au palais par le président Georges Pompidou. Le roi Charles a apprécié l’idée de suivre les traces de sa mère, selon l’Élysée. Au menu, deux chefs étoilés ont prévu du homard bleu en entrée et de la volaille de Bresse.

Le roi Charles III en banlieue parisienne

À Paris, Charles III prononcera également un discours devant les parlementaires au Sénat, durant lequel il devrait s’exprimer en partie en français, comme en mars dernier lorsqu’il avait parlé en allemand devant le Bundestag à Berlin lors d’un déplacement qui devait suivre celui initialement prévu à Paris.

Les deux chefs d’État mettront aussi en avant des sujets qui leur tiennent à cœur, comme l’environnement, la promotion de la lecture ou l’entrepreneuriat des jeunes.

Une rencontre est prévue avec des associations locales et des personnalités du sport à Saint-Denis, une ville de banlieue parisienne qui sera un des lieux majeurs, l’an prochain, des Jeux olympiques d’été de Paris.

Charles et Camilla se rendront ensuite à Bordeaux, qui fut un temps sous le contrôle du roi d’Angleterre Henri II, et où résident aujourd’hui 39 000 Britanniques. Ils doivent visiter un vignoble et rencontrer des pompiers ayant pris part à la lutte contre les incendies qui avaient ravagé le département des Landes l’an dernier.

Apaiser les tensions héritées du Brexit

Des deux côtés de la Manche, on a placé cette visite sous le signe de la célébration des liens anciens entre les deux pays, au moment où leurs dirigeants s’efforcent d’apaiser les tensions héritées du Brexit.

Si en tant que chef d’État d’une monarchie constitutionnelle, le roi britannique doit observer une stricte réserve, la politique n’est jamais absente de ces visites d’État et le voyage de Charles III ne fait pas exception, confirmant les gestes d’ouverture et d’apaisement récents du gouvernement britannique.

Les visites d’État du souverain sont « un atout pour la diplomatie (britannique) (…) au-dessus des sujets politiques du moment », comme les tensions persistantes entre Londres et Paris au sujet des traversées illégales de migrants vers le Royaume-Uni, estime Ed Owens, historien de la royauté.

« Il y aura une certaine diplomatie informelle » durant ces deux jours, ajoute-t-il, mais pour Charles III l’objectif est surtout de montrer son engagement comme « un roi écologiste hors des frontières britanniques ».

« Relation chaleureuse » entre Charles III et Emmanuel Macron

Après une première année en tant que souverain, durant laquelle il s’est surtout évertuer à incarner la stabilité et la continuité de la monarchie, plutôt qu’à engager des réformes radicales, cette visite s’inscrit dans « l’approche traditionnelle de la diplomatie royale » que les Français ont pu observer par le passé.

Charles III et Emmanuel Macron se sont déjà rencontrés, notamment lors du couronnement du roi le 6 mai dernier, et entretiennent « une relation chaleureuse », dit-on dans leur entourage.

L’hommage du président français à la reine Elizabeth II après son décès en septembre 2022 avait ainsi été très apprécié au Royaume-Uni.

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