Société
Avec le Covid-19, Marseille au bord de la crise humanitaire
Avec ses terrasses en sommeil, le cours Julien, haut-lieu de la vie festive marseillaise, n’est plus que l’ombre de lui-même. Noga y est le seul « restaurant » ouvert: chaque midi, il distribue 900 repas gratuits, deux fois plus qu’avant la crise sanitaire.
Dans l’une des villes les plus pauvres et les plus inégalitaires de France, certains comme le Secours Catholique n’hésitent plus à parler de crise humanitaire.
Depuis le deuxième confinement, mis en place fin octobre, Gérard Gros, président de la Banque alimentaire des Bouches-du-Rhône, constate « un très grand élargissement de la population dans le besoin ». Les chiffres sont colossaux: chaque semaine, l’association distribue près de 85 tonnes de nourriture, à Noga notamment.
Et comme un symbole, l’ONG Action contre la faim s’est implantée à Marseille en avril, pendant le premier confinement. « Action contre la faim, je les voyais à Haïti, pas à Marseille », commente Francis Vernède, de l’Uriopss, un réseau qui accompagne les associations de la solidarité et la santé dans la région.
« Nouveaux publics »
Assis sur un rebord du « cours Ju » avec un café et un repas qu’il vient de récupérer chez Noga, Youssef Madoui s’en sortait avant la pandémie en trouvant des chantiers à la journée au « black ».
« C’est très difficile de trouver un travail déclaré et depuis trois mois, je ne travaille plus du tout », confie aujourd’hui cet Algérien, en France depuis 20 ans.
Artiste de rue, Sten Augustin, lui, s’en tirait avec son spectacle de bulles de savon. Il récoltait 30 à 40 euros par jour au chapeau, l’été davantage. « Maintenant, je n’ai plus rien », raconte cet Allemand de 50 ans qui n’a plus les moyens de prendre son fils avec lui le samedi.
« On a de nouveaux publics, des travailleurs pauvres, saisonniers, intérimaires, ceux qui ont une très faible capacité d’épargne. Avant ils s’en sortaient toujours avec l’économie informelle: garde d’enfant, aider au marché, plonge », analyse Francis Vernède.
La fermeture des restaurants, décidée à Marseille plus tôt que dans le reste de la France, a amplifié le phénomène. Car dans cette ville portuaire et d’immigration, « il y a une très grosse solidarité, chaque commerçant va aider, donner quelque chose », témoigne Pascal Boulgarian, cuisinier au restaurant social Noga.
Avec les restaurants clos, c’est autant de boissons chaudes, de portions de frites et de repas distribués en moins.
« Course de fond »
La crise sanitaire a aussi paralysé des vies comme celles d’Isabelle ou Falrat.
A 62 ans, victime de violences, la sexagénaire, qui préfère taire son nom de famille, a quitté le domicile conjugal et espérait rebondir. Mais « avec le Covid, c’est compliqué de trouver du travail et de faire valoir ses droits », déplore-t-elle à la porte de Noga.
Dans son studio du quartier populaire de Noailles, à quelques encablures du Vieux-Port, Falrat, lui, est seul pour s’occuper de son fils handicapé. Sa femme est restée bloquée en Algérie.
« J’arrive pas, j’arrive plus », souffle-t-il en remuant son café: « S’il n’y avait pas le petit, je trouverais un travail, ouvrier agricole, n’importe quoi ».
Les associations font aussi remonter les difficultés majeures de nombreux retraités, d’étudiants ou même d’ex-détenus, comme D., contraint de dormir sur les marches du parc Longchamp après avoir été libéré brusquement pendant le premier confinement.
« C’est une course de fond », reconnaît Marie-Christine Gillot, directrice de Maavar Marseille, l’association d’hébergement et de réinsertion qui pilote Noga.
Les équipes sociales commencent à être fatiguées, sur les nerfs. Et beaucoup s’interrogent sur la méthode employée.
Une troisième vague ?
« L’assistanat alimentaire est remis en cause, il faut agir autrement. Pas forcément faire toujours plus, mais comprendre la pauvreté d’abord, comment elle se manifeste pour trouver la réponse », plaide Laurent Ciarabelli, du Secours catholique-Caritas.
Le collectif Alerte Paca, qui regroupe une vingtaine d’associations d’aide aux plus démunis dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, réclame un observatoire social pour objectiver la situation.
Les dernières données de l’Insee datent de 2017 et font état d’un taux de pauvreté de 26% à Marseille, grimpant jusqu’à 53% dans le quartier de la Belle de Mai, une des zones les plus défavorisées de France.
« Il faut identifier les besoins, les nouveaux précaires, ceux qui sont sur le fil. C’est comme si tout était redescendu d’un cran », analyse Axelle Cuny, coordinatrice terrain chez Action contre la faim à Marseille.
Tous les observateurs craignent une troisième vague de pauvreté dans les mois à venir.
Dans les quartiers pauvres du nord de la ville, le « McDo » de Saint-Barthélémy, au cœur d’une lutte sociale et judiciaire il y a quelques mois opposant ses salariés à leur patron, a été transformé par des collectifs citoyens en plateforme solidaire. Depuis peu, on y voit venir de quartiers huppés une mère célibataire ou un chef d’entreprise en faillite.
En fin de mois, certains attendent leur colis alimentaire dès l’aube.
Salim Grabsi, du syndicat des quartiers populaires de Marseille, s’inquiète et craint les violences qui pourraient naître de cette crise: « Jamais je n’aurais pensé qu’on en arriverait à cette situation en France. Par moments, on a l’impression d’être dans un pays sous-développé ».
Société
ZEVENT 2024 : Un marathon caritatif dépasse les 10M€ au profit de la lutte contre la précarité
La huitième édition du ZEVENT, le plus grand événement caritatif en ligne de France, s’est clôturée ce dimanche en atteignant un nouveau cap de 10,1 millions d’euros au bénéfice de cinq associations engagées contre la précarité. Une réussite collective marquée par l’engagement des streamers et une communauté de spectateurs fidèles.
Le ZEVENT 2024 s’est une nouvelle fois imposé comme un rendez-vous incontournable de la générosité numérique. Porté par le streamer français ZeratoR et son complice Alexandre Dachary, ce marathon caritatif en ligne a permis de collecter la somme impressionnante de 10.145.881 euros en faveur de cinq associations luttant contre la précarité, dont le Secours Populaire, Solidarité Paysans et Les Bureaux du cœur. Cet événement, diffusé en direct sur Twitch, a vu une trentaine de streamers se mobiliser durant plus de 50 heures pour inciter les spectateurs à faire des dons.
L’édition 2024, marquée par un concert inaugural au Zénith de Montpellier, a rassemblé des personnalités phares du monde du streaming comme Kameto, Ladysundae, AVAMind ou encore Domingo, présentateur du talk-show « Popcorn ». Leur mission : divertir, sensibiliser et encourager les donations à travers des sessions de jeux vidéo, des quizz et des défis en tout genre. À leurs côtés, une centaine de streamers moins connus se sont également joints à l’effort collectif, reflétant l’ampleur de l’événement qui, chaque année, attire des centaines de milliers de spectateurs, avec des pics atteignant près d’un million de viewers.
L’engagement des participants ne s’est pas limité aux seuls streamers, puisque des personnalités extérieures telles que l’humoriste Laura Felpin et les frères Lebrun, médaillés en tennis de table aux Jeux olympiques, ont apporté leur soutien en participant aux défis et aux jeux. Un engouement populaire et médiatique qui ne cesse de croître, faisant du ZEVENT un véritable pilier de la philanthropie digitale.
Depuis son lancement en 2016, sous l’appellation « Projet Avengers », le ZEVENT a levé plus de 31 millions d’euros pour diverses causes. La performance de cette année s’inscrit dans la continuité des éditions précédentes, qui avaient déjà franchi la barre des 10 millions d’euros, notamment en 2021 et 2022, où des records historiques avaient été battus.
Pour ZeratoR, ces montants colossaux témoignent de la capacité de la communauté des streamers et des spectateurs à faire la différence. En 2022, les fonds avaient notamment permis à l’association Sea Shepherd d’acquérir un nouveau bateau ou encore de financer des projets humanitaires en République Centrafricaine. Cette année encore, les résultats du ZEVENT montrent que la solidarité en ligne peut se traduire par un impact concret, aidant à lutter contre la précarité à travers des actions locales et internationales.
Le ZEVENT ne cesse de repousser les limites de la générosité, prouvant que l’alliance du divertissement et de l’engagement caritatif peut soulever des montagnes.
France
Le procès de Mazan suspendu suite à l’hospitalisation de l’accusé principal
Dominique Pelicot, accusé clé dans l’affaire des viols de Mazan, a été hospitalisé mardi, perturbant le déroulement du procès. Une suspension de l’audience est désormais envisagée pour permettre à l’accusé d’assister aux débats, cruciaux pour les victimes.
Dominique Pelicot, 71 ans, principal accusé dans l’affaire des viols perpétrés à Mazan, est au cœur d’un procès complexe qui secoue la cour criminelle de Vaucluse. Mardi, alors qu’il devait s’exprimer pour la première fois, son hospitalisation a chamboulé l’audience, laissant planer l’incertitude sur la suite des débats. L’avocate de Pelicot, Me Béatrice Zavarro, a informé la cour que son client, affaibli depuis le début de la semaine, ne pouvait pas se présenter en raison de son état de santé. Ce dernier, souffrant de douleurs intestinales depuis plusieurs jours, a finalement été admis à l’hôpital, soulevant la question d’une éventuelle suspension du procès.
Le président de la cour, Roger Arata, a réagi en ordonnant une expertise médicale de l’accusé, tout en envisageant une suspension temporaire du procès. « Il est essentiel que M. Pelicot soit en mesure d’assister aux débats », a déclaré le magistrat, soulignant l’importance de la présence de l’accusé dans un procès criminel. Cette position a été appuyée par l’ensemble des parties civiles, pour qui il est impensable de continuer sans que Pelicot ne soit en salle. Me Stéphane Babonneau, avocat de la famille Pelicot, a réitéré cette nécessité en soulignant que l’absence de l’accusé empêcherait toute déposition de ses clients.
Lundi matin, Pelicot était apparu affaibli à l’audience, se déplaçant difficilement avec l’aide d’une canne et s’appuyant contre la vitre de son box. Son état alarmant n’a fait qu’empirer au cours du week-end, selon son avocate, qui a insisté sur le fait qu’il ne s’agissait en aucun cas d’une manœuvre visant à retarder le procès. « M. Pelicot n’a pas l’intention de fuir ses responsabilités », a affirmé Me Zavarro, réfutant toute tentative de manipulation.
Alors que cette hospitalisation marque un tournant inattendu, les témoignages se poursuivent, notamment celui de Stéphan Gal, enquêteur clé dans ce dossier tentaculaire. Lors de son audition, Gal a corroboré les propos de son collègue, le commissaire Jérémie Bosse Platière, en affirmant que les agresseurs ne pouvaient ignorer l’état inconscient de Gisèle Pelicot au moment des faits. Des milliers de photos et vidéos enregistrées par l’accusé ont été analysées, confirmant le caractère délibéré de ces actes, bien que certains accusés, comme Mathieu D., alias « Gaston », aient plaidé la naïveté en évoquant un prétendu « jeu sexuel ».
Ce procès hors norme, impliquant 51 accusés âgés de 26 à 74 ans, dont 35 reconnaissent les actes tout en niant l’intention criminelle, repose en grande partie sur la question de la manipulation exercée par Dominique Pelicot. Les experts entendus lundi ont souligné la personnalité de l’accusé, décrivant un homme capable de « manipuler les autres à sa guise ». Face à l’ampleur de l’affaire, l’intérêt public ne cesse de croître, attirant un nombre important de journalistes et de spectateurs à Avignon.
Dominique Pelicot, qui a fait le choix de rendre cette affaire publique, souhaite que son histoire serve d’exemple à d’autres victimes de soumission chimique. Le silence pesant qui règne dans la salle lors de la description des faits en témoigne : ce procès, au-delà de sa dimension juridique, a profondément marqué l’opinion publique.
Le procès pourrait donc être suspendu le temps que Dominique Pelicot se rétablisse, mais l’ampleur de l’agenda fixé sur quatre mois laisse la possibilité de rattraper les séquences manquées. Une suspension qui, bien qu’inévitable, souligne l’importance pour la justice d’entendre toutes les parties dans ce procès d’une rare intensité.
Société
Santé : l’augmentation du surpoids se stabilise chez les hommes mais continue chez les femmes
Une étude sur deux décennies révèle une stabilisation de la corpulence masculine, tandis que la progression du surpoids persiste chez les femmes. Des facteurs sociaux et biologiques sont mis en cause.
Entre 1996 et 2017, la prévalence du surpoids et de l’obésité a considérablement augmenté en France, avec des différences notables selon le sexe. Si la situation semble s’être stabilisée chez les hommes, chez les femmes, en revanche, cette croissance se poursuit, soulève une étude inédite de Santé publique France publiée dans son Bulletin épidémiologique hebdomadaire. Basée sur des enquêtes téléphoniques, cette analyse couvre plus de 124 000 individus âgés de 18 à 75 ans, offrant un aperçu sans précédent de l’évolution de la corpulence déclarée des Français sur une période de 20 ans.
Chez les hommes, la proportion de ceux se déclarant en surpoids a augmenté de 40 % en 1996 à 48 % en 2008, avant de se stabiliser aux alentours de 50 % les années suivantes. Quant à l’obésité, elle a connu une hausse marquée, passant de 7 % en 1996 à 14 % en 2016, avant de reculer légèrement à 13 % en 2017. Cette stabilisation est toutefois contrastée chez les femmes. Le surpoids, initialement inférieur à 25 %, a atteint 39 % en 2017, tandis que l’obésité est passée de 6 % à 14 % au cours de cette période. Ces chiffres témoignent d’une divergence marquée entre les sexes, le surpoids étant plus fréquent chez les hommes mais progressant toujours chez les femmes.
Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer cette tendance. Charlotte Verdot, épidémiologiste à Santé publique France, évoque des modifications profondes des modes de vie dans les sociétés occidentales, comme la sédentarité accrue et une consommation croissante d’aliments ultra-transformés. Cette dynamique est d’autant plus accentuée chez les femmes, dont le niveau d’activité physique semble s’être détérioré ces dernières années, contrairement à celui des hommes. Par ailleurs, les effets de la ménopause, souvent associés à une prise de poids, pourraient également jouer un rôle significatif dans cette évolution.
Karine Clément, professeure de nutrition et directrice de recherche à l’Inserm, souligne l’importance de la dimension multifactorielle de l’obésité. Au-delà des comportements individuels, cette pathologie reflète les mutations de la société contemporaine, marquée par le stress et l’exposition à divers perturbateurs endocriniens. Des mécanismes biologiques complexes, encore partiellement compris, contribuent également à cette tendance, avec une vulnérabilité accrue chez certaines catégories de la population.
Le surpoids et l’obésité, qui concernent désormais près de la moitié de la population française, constituent des facteurs de risque majeurs pour des maladies chroniques telles que les affections cardiovasculaires, le diabète, et certains cancers. La crise sanitaire liée au Covid-19 a par ailleurs mis en lumière le rôle aggravant de l’obésité dans les infections. Face à cette situation alarmante, des actions préventives et curatives sont jugées urgentes. Développer des politiques publiques plus ambitieuses, notamment dans les milieux scolaires et les quartiers prioritaires, est l’une des pistes proposées dans un rapport récent pour freiner cette épidémie silencieuse.
Ainsi, cette étude met en évidence l’urgence d’une réponse collective face à une crise sanitaire qui touche de manière inégale les hommes et les femmes en France.
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