L’équipe de tournage aurait débranché les bassins dans lesquels se trouvait des naissains d’huîtres. L’ensemble de la marchandise a été perdue. 6 000 euros de pertes pour ces jeunes ostréiculteurs.
C’est une affaire qui remonte à octobre 2019. En septembre 2019, les frères Gamba, Lucas l’aîné et Théo le cadet, décident de reprendre, ensemble, un mas ostréicole à Loupian. L’ancien propriétaire avait un contrat avec la production de « Demain nous appartient ». L’équipe de production se servait de ce mas en tant que lieu de restauration et vestiaire. Ainsi, afin de ne pas les laisser tomber, les frères Gamba décident de poursuivre le contrat avec la société de production.
Lucas Gamba, ostréiculteur-pêcheur, explique : « Fin octobre 2019, la production m’a loué le mas pendant 10 jours consécutifs. Cela faisait à peine un moins qu’on venait de se lancer. Un jour, en passant au mas, j’ai vu qu’ils s’étaient branchés, sans mon accord, sur mon compteur tout en débranchant certains de mes câbles. Ils ont ainsi éclairé toute la rue avec mon électricité. De plus, certains de leurs câbles étaient dénudés. Je pense que cet éclairage a trop tiré ou qu’un de leur câble a touché une flaque d’eau et ça a fait sauter les plombs. Ainsi, les bassins n’étaient plus alimentés et tous les naissains étaient morts. »
Selon nos informations, la direction de DNA conteste cette version et affirme qu’elle n’est en rien responsable de cette coupure d’électricité car celle-ci a été causée par le fournisseur d’électricité EDF. En effet, pour la société de production, la coupure de courant aurait concerné tout le quartier ce jour là et pas seulement le mas. Une version que conteste Lucas Gamba. Selon lui, il y a bien eu une coupure d’électricité dans le quartier, mais ce n’est pas ça qui est à l’origine de la mortalité des naissains. Il explique : « Les naissains peuvent survivre entre 5 et 10 heures dans l’eau. Dès que j’ai été averti de la coupure, je suis arrivé en moins de 10 minutes. Quand je suis arrivé, tout le mas était disjoncté, ce qui n’était pas le cas chez mes collègues d’à côté qui avaient eux aussi subi la coupure. Je suis persuadé que ce sont eux qui ont fait sauter les plombs. Le régisseur m’a dit : « Oui, c’est de ma faute, on va faire les démarches. » Mais le lendemain, après avoir discuté avec sa direction, il ne tenait plus le même discours. »
Difficultés économiques pour les jeunes ostréiculteurs
Malheureusement, le frère aîné reconnaît ne pas avoir eu la présence d’esprit, sur le moment, de prendre des photos. Il affirme : « Avec mon assurance, et la production, nous avons tous constaté les faits. L’expert est venu et a reconnu la mortalité. Mais le manque de photo a fait que je n’étais plus couvert. La production avait au début avoué les faits, mais depuis elle nie, et trouve toutes les excuses possibles. » Ainsi, ce manque de preuve lui a donné tort et la production de DNA a refusé d’après Lucas Gamba de compenser la perte de la production, estimée à 6 000 €.
Les deux frères qui venaient de se lancer et de reprendre cette activité ont un crédit à la banque. Avec cet incident, ils ont perdu l’équivalent de 6 000 € d’achat de marchandise – ils ne prennent pas en compte les bénéfices qu’ils auraient pu tirer avec la production finie. Et pour alourdir le tout, la crise sanitaire est venue les frapper très peu de temps après. « Au final, au niveau aides et compensations, nous n’avons rien pu obtenir. On a essayé de survivre jusqu’à maintenant, mais aujourd’hui, nous sommes en difficulté », affirme Lucas Gamba.
Le mas était loué 100 euros la journée – prix déterminé par le contrat de l’ancien propriétaire. Le frère aîné précise : « Il faut savoir que 100 euros, ça ne couvre même pas les frais de la journée, entre l’eau qu’ils tiraient, l’électricité et les objets qui pouvaient disparaître accidentellement, on trouvait plus de rentabilité en faisant une journée de travail complète. »
DNA, réel atout pour la ville ?
Depuis son arrivée en 2017, la série Demain Nous Appartient a installé son intrigue à Sète. Le feuilleton quotidien rassemble des millions de Français chaque soir devant leur télévision. Elle représente ainsi une attractivité évidente avec de nombreux fans qui viennent jusqu’à Sète afin de marcher sur les traces de leurs héros du petit écran. Cet intérêt des fans a permis de créer une véritable économie locale. En effet, selon l’office de tourisme, les retombées économiques sont importantes pour Sète : « Elle a créé de l’emploi et génère 500 000 euros par mois de retombées économiques. » Que ce soit à travers la vente de produits dérivés, l’affluence de touristes qui consomment et logent dans la ville ; la présence de DNA profite à l’économie locale.
Toutefois, à l’instar des marseillais avec Plus belle la vie, les sétois ne sont pas tous unanimes quant à l’aspect positif pour la ville. En effet, selon les professionnels du secteur, l’affluence touristique aurait augmenté de 30 %. Cette augmentation entraîne nécessairement des désagréments pour les locaux. Un habitant affirmait notamment : « Ces gens viennent en masse et créent une véritable gêne dans la rue. Ils ne consomment rien à part les produits dérivés de leur série. Privilégier la masse touristique au détriment de la culture est inadmissible. Sète n’a pas besoin de DNA pour être mise en avant ! »
Culture de masse
Pour certains habitants, la présence de DNA sur les terres sétoises n’est pas forcément un atout. Sète, c’est aussi et surtout la ville de Georges Brassens, Paul Valéry, Jean Vilar, et tant d’autres. Ce sont eux qui, à l’origine, ont contribué au rayonnement artistique et culturel de la ville. Aujourd’hui, quand on voit des touristes qui affluent vers Sète pour se prendre en photo devant « Le Spoon » – célèbre bar dans la série – on peut comprendre que les professionnels de la culture soient frustrés.
Cette frustration est, certainement avant tout, une crainte. La crainte de l’oubli. La crainte que Sète soit exclusivement rattachée à « la ville de Demain nous appartient ». Que tout ce qui a contribué à son rayonnement culturel soit oublié. Mais rappelons que Sète, c’est aussi le théâtre de la Mer, le théâtre Molière, la cité de Paul Valéry à qui l’on doit l’expression de l’Île singulière, la ville qui a vu naître Georges Brassens et qui possède aujourd’hui un musée en son honneur. La « Venise du Languedoc », c’est une culture à part entière, avec ses canaux, ses tournois de joutes, ses plages, la conchyliculture, l’étang de Thau… N’oublions pas toutes ces choses qui contribuent à son rayonnement. C’est pour toutes ces raisons, que Sète ne sera jamais exclusivement associée aux séries télévisées. Au contraire, ces feuilletons devraient être perçus comme des coups de projecteurs sur la ville. Prenons ce qui est positif pour la ville et tout ce qui contribue à son rayonnement.
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