L’ancien chef d’État, accusé de crimes contre l’humanité, comparaît devant la Cour pénale internationale à La Haye, marquant un tournant historique dans la lutte pour la justice aux Philippines.
Rodrigo Duterte, ancien président des Philippines, âgé de 79 ans, est attendu ce vendredi devant la Cour pénale internationale (CPI) pour une audience préliminaire. Il devra répondre à des accusations de crimes contre l’humanité liés à sa campagne anti-drogue, menée durant son mandat et ayant entraîné la mort de dizaines de milliers de personnes. Les juges de la CPI l’informeront des charges retenues contre lui et de ses droits en matière de défense.
Les accusations portent sur des exécutions extrajudiciaires massives, qualifiées par le procureur de la CPI comme faisant partie d’une « attaque généralisée et systématique » contre la population civile. Les victimes, majoritairement des hommes issus de milieux défavorisés, ont souvent été tuées sans preuve tangible de leur implication dans le trafic de stupéfiants. Les organisations de défense des droits de l’homme dénoncent depuis des années cette campagne, qualifiée de violente et arbitraire.
Alors que les familles des victimes espèrent enfin voir la justice s’exercer, les partisans de Duterte crient à l’injustice. Ils estiment que son arrestation résulte d’une rivalité politique entre sa famille et celle des Marcos, alliés de longue date dans la gouvernance du pays. Des manifestations sont prévues à La Haye, tandis qu’à Manille, des proches des victimes et des militants se réuniront pour suivre en direct l’audience.
Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux avant son arrivée aux Pays-Bas, Duterte a affirmé assumer ses responsabilités. « J’ai dirigé les forces de l’ordre et l’armée. J’ai dit que je vous protégerais, et j’assume mes actes », a-t-il déclaré. Depuis son arrivée à La Haye, il a subi des examens médicaux, mais son état de santé semble stable, selon les autorités consulaires philippines.
Cette affaire intervient à un moment critique pour la CPI, souvent critiquée pour son inefficacité et confrontée à des sanctions de la part des États-Unis. Pour les experts, le cas Duterte pourrait redonner du crédit à l’institution. « Son arrestation est un signal fort à un moment où la justice internationale est mise à l’épreuve », a souligné Willem van Genugten, professeur de droit international.
L’audience de ce vendredi marque le début d’un long processus judiciaire. Après cette première étape, une audience de confirmation des charges sera organisée, au cours de laquelle Duterte pourra contester les preuves présentées contre lui. Si la CPI décide de poursuivre, un procès pourrait s’ouvrir, bien que cela puisse prendre plusieurs années.
Pour le procureur Karim Khan, cette affaire démontre que la justice internationale, bien qu’imparfaite, reste un outil essentiel. « Elle n’est peut-être pas aussi forte que nous le souhaiterions, mais elle n’est pas non plus aussi faible que certains le prétendent », a-t-il déclaré. Alors que les regards se tournent vers La Haye, l’issue de cette affaire pourrait influencer l’avenir de la CPI et de la lutte contre l’impunité à l’échelle mondiale.