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Lagos en effervescence, le rituel festif de décembre bat son plein

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_**Chaque fin d’année, la métropole nigériane s’embrase au rythme d’un phénomène social unique. Une parenthèse d’insouciance et de dépense dans un contexte économique pourtant difficile.**_

Comme à son habitude, le dernier mois de l’année transforme Lagos en une scène géante. L’air sec de l’harmattan enveloppe la capitale économique nigériane, où une agitation particulière s’empare des rues. La circulation devient plus dense, les prix des courses flambent et une énergie palpable anime les nuits, des restaurants aux boîtes de nuit, jusqu’aux premières lueurs du jour. Cet épisode, baptisé « Detty December » en pidgin local, voit la ville de plus de vingt millions d’habitants accueillir un afflux massif de membres de la diaspora de retour au pays. L’activité nocturne, déjà réputée, atteint alors son paroxysme.

En début de soirée, sur le vaste terrain d’Ilubirin, l’ambiance s’installe progressivement. Des techniciens finalisent l’installation d’une scasse imposante, dressée entre des immeubles inachevés, tandis que le public commence à affluer pour l’ouverture du festival éponyme. Pour de nombreux participants, ce mois représente une soupape de décompression essentielle. Une consultante en marketing confie y voir l’opportunité de se divertir après une année de labeur. Une autre jeune femme, cocktail en main, résume l’esprit du moment par une litanie enthousiaste associant l’événement au plaisir et à une célébration permanente de la vie.

Les organisateurs promettent une édition plus ambitieuse que la précédente. Un Nigérian expatrié depuis longtemps aux États-Unis observe avec amusement cette tradition de dépense et de recherche de plaisir, caractéristique selon lui de ses compatriotes. Sur scène, l’afrobeat résonne, porté par des danseurs et chanteurs qui électrisent la foule. Plus tard dans la nuit, dans les quartiers huppés de Victoria Island, l’activité se déplace vers les établissements privés. Alors que certains clubs procèdent aux derniers préparatifs, d’autres voient leur fréquentation augmenter.

Les gérants de ces lieux reconnaissent l’importance cruciale de cette période pour leurs affaires. Elle génère une activité frénétique, avec l’ouverture de nouvelles enseignes et une clientèle prête à consommer. Dans un bar lounge situé en étage, l’atmosphère est déjà animée. Les discussions vont bon train, ponctuées par les sets des DJ. Les échanges, parfois directs, illustrent des coutumes locales bien établies, comme celle qui consiste à montrer son appréciation par des dons en espèces. Dans les sanitaires, des groupes d’amies échangent des confidences. Pour certaines, de retour de l’étranger à l’occasion d’événements familiaux, ce rassemblement est une source de grande joie.

Cette frénésie collective contraste avec le climat économique national, marqué par une inflation élevée et une pression sur le pouvoir d’achat. Pourtant, beaucoup choisissent délibérément de mettre ces préoccupations de côté durant cette période. Une maquilleuse explique que le mois de décembre incite à l’insouciance et à la dépense, dans un élan purement festif. Même aux petites heures, l’effervescence ne retombe pas. Les fêtards migrent d’un étage à l’autre, d’une boîte de nuit à une autre, où des performances de pole dance maintiennent l’énergie.

Les préoccupations sécuritaires, qui pèsent sur d’autres régions du pays et ont conduit à des mesures gouvernementales, semblent lointaines pour ces noctambules. Certains résidents étrangers affirment même se sentir parfaitement en sécurité dans l’environnement lagotien. En fin de nuit, des établissements prestigieux accueillent des têtes d’affiche de la scène musicale. Les spectacles se poursuivent, intégrant parfois des pratiques traditionnelles de célébration, comme le fait de lancer des billets sur les artistes ou les danseurs.

Alors que l’aube approche, sur le parking où sont stationnés des véhicules de luxe, un fêtard prend un moment de répit. Agent immobilier d’une quarantaine d’années, il envisage de rentrer se reposer dans l’heure, conscient que le cycle festif reprendra dès le soir suivant. Le rituel de décembre, dans toute son intensité, suit son cours.

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