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La Sierra Leone face au dilemme des interruptions de grossesse clandestines

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Alors qu’un projet de loi visant à assouplir la législation sur l’interruption volontaire de grossesse est en suspens, de nombreuses femmes continuent de recourir à des pratiques dangereuses, avec des conséquences souvent dramatiques pour leur santé.

Le parcours de Mary illustre une réalité partagée par de nombreuses Sierra-Léonaises. Tombée enceinte à l’adolescence, elle a dû se tourner vers une guérisseuse traditionnelle, une expérience qui lui a laissé des séquelles physiques et psychologiques durables. Son témoignage met en lumière les risques encourus par celles qui, confrontées à une grossesse non désirée, n’ont d’autre choix que des méthodes illégales et périlleuses.

Cette situation persiste malgré l’engagement affiché, il y a plusieurs années, des plus hautes autorités du pays. Un texte législatif, porté par le président Julius Maada Bio et visant à dépénaliser l’avortement dans un cadre médicalisé, avait été présenté comme une priorité pour améliorer la santé reproductive et réduire une mortalité maternelle parmi les plus élevées au monde. Le projet, connu sous l’appellation de loi sur la « maternité sans risque », est cependant resté lettre morte après son introduction au Parlement.

L’immobilisme parlementaire semble largement attribuable à l’influence de courants religieux et conservateurs. Le Conseil inter-religieux, une structure influente rassemblant des dignitaires chrétiens et musulmans, s’est fermement opposé à la réforme, la jugeant contraire aux valeurs sociales et éthiques du pays. Cette opposition a contribué à figer le débat législatif, laissant la population dans l’expectative.

Les conséquences de cet accès limité aux soins sont quantifiables. Des dizaines de milliers d’interruptions de grossesse sont réalisées chaque année dans la clandestinité. Des femmes, comme Bintu Kamara, décrivent des procédures auto-administrées à l’aide de médicaments obtenus en pharmacie, suivies de douleurs intenses et de complications infectieuses. D’autres ont recours à des mixtures de plantes ou à des interventions mécaniques brutales, avec des risques majeurs de lésions internes.

Le personnel médical est régulièrement confronté aux dégâts de ces pratiques. Des gynécologues-obstétriciens signalent des interventions chirurgicales d’urgence sur des patientes victimes de perforations ou d’infections sévères suite à des avortements réalisés avec des objets inadaptés. Ces professionnels de santé soulignent le caractère évitable de nombreuses souffrances et plaident pour un accès sécurisé aux soins.

Le paradoxe est frappant entre l’opinion publique et la réalité des pratiques. Si une large majorité de la population soutient l’accès à la contraception, le recours à l’avortement reste très stigmatisé. Cette contradiction pousse les femmes dans l’ombre, les contraignant à des choix risqués pour leur intégrité physique. En l’absence d’évolution législative, le travail de sensibilisation mené par certaines associations et professionnels de santé reste un rempart fragile face à un problème de santé publique qui continue de faire des victimes.

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