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La diplomatie de Jared Kushner, entre normes bousculées et concessions inattendues

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Quand Donald Trump charge son gendre Jared Kushner de parvenir à « l’accord ultime » entre Israël et les Palestiniens, le scepticisme et le sarcasme dominent. Nous sommes début 2017, et le jeune conseiller spécialisé dans l’immobilier new-yorkais n’a aucune expérience sur la scène internationale.

Près de quatre ans plus tard, cette paix-là se fait toujours attendre.

Mais de cet échec sont nés d’autres accords en cascade qui font éclater au grand jour les mutations du Moyen-Orient.

A force de normes bousculées, d’amitiés naissantes et de concessions inattendues, la diplomatie parallèle et transactionnelle de Jared Kushner a ainsi offert au président américain une percée inespérée au bout de son unique mandat: la reconnaissance historique de l’Etat hébreu par quatre pays arabes, une première depuis plus de 25 ans.

Les débuts de cette improbable entreprise sont à certains égards prometteurs.

Au fond, toutes les tractations classiques ont échoué et le milliardaire républicain arrive avec une certaine virginité diplomatique et une soif certaine d’entrer dans l’Histoire.

Jared Kushner, qui n’a alors que 36 ans, s’entoure d’une toute petite équipe, avec Jason Greenblatt, l’ex-juriste de la Trump Organization, et David Friedman, avocat spécialiste des faillites nommé ambassadeur américain en Israël.

« Ce dont a besoin un médiateur au Moyen-Orient, c’est d’une autorité indubitable », souligne Dennis Ross, qui a joué ce rôle auprès de Bill Clinton: « Vous devez avoir clairement le soutien absolu du président ».

Et Kushner, mari d’Ivanka Trump, la fille chérie du président, « avait cette autorité », dit-il à l’AFP. Un statut qui le catapulte en homme des missions impossibles, avec son assurance, son ton posé et son impeccable raie sur le côté.

La « task force » a donc carte blanche.

« Bouger les lignes »

« Nous faisons bouger les lignes pour présenter quelque chose de beaucoup plus gros », se vantera plus tard, auprès de l’AFP, un de ses membres. Le même revendique le silence radio autour des intentions du trio: les alliés sont tenus à l’écart pour éviter les fuites, et même le secrétaire d’Etat Mike Pompeo n’est pas pleinement impliqué.

Les Palestiniens, eux, jouent le jeu, bien que refroidis par le profil de ces médiateurs réputés proches d’Israël. Ils enchaînent, selon l’un de leurs négociateurs, « 32 rencontres avec l’équipe Kushner ».

Mais rapidement, ils déchantent. « Ils ne nous demandaient jamais notre avis sur les questions-clés », se souvient ce diplomate.

Et dès fin 2017, c’est la rupture.

Trump reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël, première d’une longue série de décisions unilatérales favorables à l’Etat hébreu en forme de coups de canif au consensus international. L’Autorité palestinienne coupe les ponts.

Sans interrompre leurs navettes, les émissaires américains contournent Ramallah.

Jared Kushner rompt le jeûne du ramadan avec le roi au Maroc et multiplie les messages WhatsApp avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane — poussant le Tout-Washington à s’indigner de l’amitié avec ce « MBS » critiqué par les défenseurs des droits humains.

« Ils savent écouter », se réjouit un diplomate israélien. « Ils ont une vision régionale plus large, ils discutent avec les Etats arabes et veulent qu’ils participent. »

Le puzzle prend forme.

« Ils voulaient utiliser les Arabes pour faire pression sur les Palestiniens », explique aujourd’hui Dennis Ross. « Ça n’avait aucune chance de marcher. »

Donnant-donnant

De fait, la chaise palestinienne est vide lorsque Donald Trump dévoile enfin, début 2020, sa « vision » pour la paix qui fait la part belle aux positions du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, bien présent à ses côtés.

Kushner utilise alors le spectre d’une annexion israélienne des colonies en Cisjordanie pour convaincre les Palestiniens d’accepter un Etat réduit à sa portion congrue. Sans succès.

Mais selon Dennis Ross, « l’ironie de l’histoire veut que cette tactique ait fonctionné auprès des Emirats arabes unis ».

Durant l’été, le prince héritier d’Abou Dhabi cheikh Mohammed ben Zayed Al-Nahyane offre un tournant à Washington: il propose d’établir des relations diplomatiques avec Israël, confirmant un rapprochement déjà bien entamé en coulisses.

En échange, « MBZ » réclame que Netayahu renonce à l’annexion. Surtout, il veut que les Etats-Unis vendent aux Emirats des chasseurs ultrasophistiqués F-35 qu’ils leur refusaient jusque-là pour préserver la supériorité militaire israélienne.

C’est un déclic pour d’autres pays arabes, qui entrevoient la possibilité d’arracher des gestes aux Américains tout en formant un front uni contre l’Iran, l’ennemi commun.

« Ce n’était pas la politique initialement imaginée par Kushner, mais il a su saisir l’opportunité quand elle s’est présentée », estime Dennis Ross.

De l’exemple émirati, l’émissaire présidentiel va en faire un modèle, « mettant dans la balance des concessions bilatérales qui avaient traditionnellement une importance pour les Etats-Unis », relève David Makovsky, du Washington Institute for Near East Policy.

Le Soudan obtient son retrait de la liste noire sur le terrorisme, Bahreïn un renforcement des relations avec les Etats-Unis, et le Maroc la reconnaissance américaine de sa souveraineté sur le Sahara occidental.

Ces donnant-donnant parfois précipités font grincer des dents.

Mais au final, ces « accords d’Abraham » contribuent à redessiner le paysage moyen-oriental.

La diplomatie Kushner? « C’est une base sur laquelle on peut bâtir quelque chose », estime David Makovsky. « Ce que j’espère, c’est qu’une nouvelle administration apportera son grain de sel et tente aussi d’ajouter un volet palestinien. »

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Décès

L’ancien président italien Giorgio Napolitano est mort à l’âge de 98 ans

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L'ancien président italien Giorgio Napolitano est mort à l'âge de 98 ans

Né sous Mussolini le 29 juin 1925, Giorgio Napolitano, qui a été élu en 2006, a géré une phase particulièrement turbulente en Italie.

Il était considéré pendant des années comme le garant de la stabilité de l’Italie. L’ancien président italien Giorgio Napolitano (2006-2015), dirigeant historique du Parti communiste et promoteur de la construction européenne, est mort à l’âge de 98 ans, vendredi 22 septembre.

Né sous Mussolini le 29 juin 1925, Giorgio Napolitano a géré une phase particulièrement turbulente en Italie. Elu en 2006, il comptait prendre sa retraite à l’issue de son premier septennat au printemps 2013, après les législatives. Mais les résultats des élections, trop serrés, et l’incapacité des principaux partis à s’accorder sur un éventuel successeur, l’avaient contraint à reprendre du service. Dès son discours d’investiture, particulièrement dur envers les responsables politiques dont il avait dénoncé « la surdité » face aux exigences du pays, il avait annoncé qu’il ne resterait pas sept ans de plus et avait en effet démissionné en janvier 2015.

L’ensemble de la classe politique de la péninsule a rendu hommage à ce Napolitain, qui est reconnu pour sa modération, sa prudence et son sens de l’Etat. Giorgia Meloni, dirigeante du parti post-fasciste Fratelli d’Italia et « présidente du conseil » depuis octobre 2022 a sobrement présenté « les plus profondes condoléances » de son cabinet à la famille de l’ancien président.

L’actuel président de la République, Sergio Mattarella, a rappelé l’engagement européen de l’ancien député au Parlement de Strasbourg qui a mené « des batailles importantes pour le développement social, la paix et le progrès en Italie et en Europe ».

Dans un télégramme à sa veuve, le pape François, en voyage à Marseille, a quant à lui salué un homme ayant consacré son action politique à préserver « l’unité et la concorde » de son pays.

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Guerre en Ukraine : la Pologne arrête ses livraisons d’armes à l’Ukraine

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Guerre en Ukraine : la Pologne arrête ses livraisons d’armes à l’Ukraine

La Pologne a annoncé la cessation de ses livraisons d’armes à l’Ukraine, provoquant des tensions diplomatiques entre les deux pays alliés.

La Pologne a annoncé mercredi qu’elle avait cessé de fournir des armes à l’Ukraine, marquant une escalade des tensions entre les deux pays alliés au moment où l’Ukraine riposte à l’invasion russe. Le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a déclaré que leur priorité était la modernisation et l’armement de l’armée polonaise pour la renforcer rapidement, sans préciser quand exactement les livraisons d’armes à l’Ukraine avaient cessé.

La Pologne était l’un des plus grands fournisseurs d’armes à l’Ukraine. Cependant, cette décision intervient peu de temps après que Varsovie a interdit l’importation de céréales ukrainiennes pour protéger ses intérêts agricoles. La Pologne a nié que ces deux mesures soient liées, affirmant qu’elle continuait à honorer les contrats d’armement antérieurs avec l’Ukraine.

L’annonce de la Pologne est survenue après la convocation « d’urgence » de l’ambassadeur ukrainien par Varsovie pour protester contre les remarques du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, à l’ONU. Zelensky avait critiqué certains pays pour avoir soutenu indirectement la Russie.

La France a réagi aux tensions entre les deux pays, qualifiant la situation de « regrettable » et suggérant qu’elle résultait de « considérations de politique intérieure ». La décision de l’UE de mettre fin à l’interdiction d’importer des céréales ukrainiennes, prononcée en mai par cinq États membres, a été à l’origine des derniers développements, avec des embargos unilatéraux et des poursuites devant l’OMC.

La Pologne a averti qu’elle élargirait la liste des produits ukrainiens interdits d’importation en réponse à ces actions. Cependant, les deux pays tentent toujours de trouver une solution constructive au problème des céréales.

L’Ukraine, engagée dans une lutte pour sa survie contre la Russie, a déclaré que les mesures prises par la Pologne étaient « inacceptables » et a proposé une résolution du conflit. La communauté internationale surveille de près ces développements, craignant que les tensions diplomatiques ne compromettent les efforts pour soutenir l’Ukraine dans son conflit avec la Russie.

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Gabon : Le fils aîné d’Ali Bongo écroué pour corruption

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Gabon : Le fils aîné d'Ali Bongo écroué pour corruption

Trois semaines après le coup d’État, le fils d’Ali Bongo et d’autres hauts responsables sont inculpés pour corruption et d’autres crimes.

Trois semaines après le coup d’État qui a renversé le président Ali Bongo Ondimba au Gabon, son fils Noureddin Bongo Valentin et plusieurs proches du cabinet du président déchu ont été mis en examen et incarcérés, notamment pour des accusations de corruption. Au total, dix personnes ont été inculpées mardi pour une série de crimes, dont des « troubles des opérations d’un collège électoral », « corruption », « détournement de deniers publics », « blanchiment de capitaux », et bien d’autres, a annoncé le procureur de Libreville, André-Patrick Roponat, lors d’une conférence de presse. Sept d’entre elles ont été placées en détention provisoire.

Parmi les inculpés figurent Noureddin Bongo Valentin, le fils aîné d’Ali Bongo, et Jessye Ella Ekogha, l’ancien porte-parole de la présidence, tous deux mis en examen pour corruption. Ces arrestations ont eu lieu le jour du coup d’État et ils étaient initialement soupçonnés de « haute trahison », bien que ce chef d’inculpation n’ait pas été retenu.

Le 30 août, peu de temps après l’annonce controversée de la réélection d’Ali Bongo, les militaires dirigés par le général Brice Oligui Nguema ont renversé le président, l’accusant notamment de « détournements massifs » de fonds publics. Les perquisitions menées dans les domiciles de ces hauts responsables du cabinet de l’ex-président Ali Bongo et de son épouse Sylvia Bongo Valentin ont montré des sommes considérables d’argent en espèces.

Sylvia Bongo Valentin, l’ex-première dame du Gabon, est actuellement en résidence surveillée à Libreville « pour sa protection », selon la présidence. Cependant, ses avocats ont déclaré que sa situation était « injustifiable » et « incompatible avec un État de droit ». Ils ont déposé une plainte contre les responsables de cette détention.

Les putschistes avaient accusé Sylvia et son fils Noureddin d’être les véritables dirigeants du pays et au cœur d’un réseau de corruption étendu. Ali Bongo, quant à lui, avait été placé en résidence surveillée à Libreville mais est actuellement « libre de ses mouvements » et peut « se rendre à l’étranger », selon le général Oligui.

Le 13 septembre, le général Brice Oligui Nguema, désigné président de transition, a annoncé la création d’une commission d’enquête sur les marchés publics pour lutter contre les fraudes. Avant le coup d’État, il avait sommé les chefs d’entreprise pratiquant la « surfacturation » de cesser leurs pratiques frauduleuses dans les passations de marchés publics.

L’enquête sur les « biens mal acquis » de la famille Bongo en France, ouverte suite à des plaintes d’ONG en 2007, avait déjà révélé des soupçons de détournement de fonds publics permettant l’acquisition d’un important patrimoine immobilier. Plusieurs membres de la famille Bongo, dont Ali Bongo lui-même, sont mis en examen en France pour recel de détournement de fonds publics dans le cadre de cette enquête. Le Gabon est souvent critiqué pour le niveau élevé de corruption qui y sévit et est classé 136e sur 180 pays en termes de perception de la corruption par Transparency International (2022).

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