Monde
Etats-Unis: grands préparatifs avant la fin probable du droit à l’avortement
Odile Schalit se prépare « au pire ». A la tête d’une organisation qui aide les Américaines à avorter en dehors de leur Etat, elle « redouble d’efforts » en prévision d’un arrêt de la Cour suprême qui pourrait rendre ses services encore plus indispensables.
La fuite début mai d’un projet de décision de la haute cour a fait l’effet d’une bombe: sa majorité conservatrice semble prête à enterrer l’arrêt « Roe v. Wade » qui, depuis 1973, garantit le droit des femmes à interrompre leur grossesse aux Etats-Unis. Les Etats auront alors toute latitude pour autoriser ou interdire les IVG sur leur sol.
La décision définitive est attendue d’ici au 30 juin. A l’approche de l’échéance, les grandes manoeuvres s’accélèrent chez les défenseurs et les opposants au droit à l’avortement, en prévision de ce qu’ils appellent « le monde post-Roe », avec une Amérique divisée en deux.
L’organisation d’Odile Shalit, Alliance Brigid, fera le pont entre les deux. Et elle se prépare à des flux intenses. « On recrute autant qu’on peut, on mène des campagnes de sensibilisation, on essaie d’augmenter notre liste de donateurs », énumère-elle.
Son équipe compte aujourd’hui dix salariés, qui organisent et financent chaque mois les voyages d’environ 125 femmes ayant dépassé les délais légaux pour avorter dans leur Etat. Odile Schalit vient de recruter six employés supplémentaires afin d’aider jusqu’à 200 femmes par mois d’ici à la fin de l’année.
Mais, si Roe tombe, « on n’arrivera pas à répondre à tous les besoins », reconnaît-elle.
Pourtant, elle a constaté dernièrement un bond des dons. Des habitants de New York ont même organisé une levée de fonds pour l’Alliance Brigid en vendant des gâteaux. « Ça réchauffe le coeur de voir le soutien exprimé depuis la fuite du projet d’arrêt. »
« Lois zombies »
Selon le Guttmacher Institute, 22 des 50 Etats américains, principalement dans le Sud et le centre conservateurs et religieux du pays, sont prêts à bannir les IVG dès que la Cour suprême aura fait volte-face.
Neuf ont gardé dans leur arsenal des lois adoptées avant 1973 pour interdire les IVG, qu’ils pourront immédiatement ressusciter. Treize (dont quatre sont aussi dans le premier groupe) ont adopté récemment des lois dites « zombie » ou « gâchette » qui sont en sommeil mais entreront quasi automatiquement en vigueur si les juges suprêmes modifient leur jurisprudence.
S’y ajoutent quatre Etats dotés de textes interdisant d’avorter dès six semaines de grossesse. Bloqués en justice, ils pourront entrer en action si le cadre légal change.
Les Etats démocrates des côtes, où l’avortement restera légal, se préparent donc à un afflux dans leurs cliniques.
Pour y faire face, le Connecticut ou le Delaware viennent d’élargir le nombre de professionnels autorisés à pratiquer des avortements, pour inclure les infirmières et les sages-femmes. Les élus de Californie ont eux débloqué 152 millions de dollars pour soutenir l’accès aux IVG, la gouverneure de New York a promis 35 millions…
La puissante organisation Planned Parenthood, qui réalise plus du tiers des quelque 850.000 avortements annuels aux Etats-Unis, renforce pour sa part les moyens de ses cliniques au Colorado ou l’Illinois, frontaliers d’Etats susceptibles d’interdire les interruptions de grossesse.
« Je veux aider »
De simples citoyens se mobilisent également. Le forum de discussions Reddit abrite depuis mai 2019 un groupe de « Aunties » (« Tatas ») qui offrent anonymement leur aide aux femmes désirant avorter. Depuis mai, le nombre de membres a explosé, passant de 45 à plus de 75.000.
« Je suis sexagénaire, à la retraite et je veux vraiment aider », écrit une « Tata du centre du Tennessee », en proposant de véhiculer les femmes des Etats voisins.
« C’est formidable, on va avoir besoin de plus de mains », commente Odile Schalit, tout en invitant ces bonnes volontés à se tourner plutôt vers des organisations structurées « afin d’éviter d’ajouter au chaos ».
Les opposants à l’avortement ont en effet multiplié ces dernières années les « centres de grossesse de crise » où ils attirent – en jouant de l’ambiguïté de leur nom – les femmes désirant avorter pour essayer de les dissuader.
Les derniers préparatifs se jouent autour des pilules abortives, qui représentent aujourd’hui la moitié des IVG aux Etats-Unis. Faciles à acheter sur internet, via des sites opérant à l’étranger, elles peuvent être utilisées sans risque significatif jusqu’à dix semaines de grossesse.
Conscient que leur existence réduit la portée de leur interdit, plusieurs Etats conservateurs cherchent la parade. Le Kentucky et le Dakota du Sud ont ainsi interdit récemment l’envoi de ces pilules par courrier.
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Culture
Insolite : Des retraitées s’invitent sur le podium de la Fashion week de Vienne
À la Fashion week de Vienne, des mannequins de 60 à plus de 80 ans ont défilé, brisant les stéréotypes liés à l’âge. Une initiative inédite en Autriche, portée par la créativité et la volonté d’inclusion.
Brigitte Hrdlicka, 63 ans, résume parfaitement l’esprit de cette révolution discrète dans le monde de la mode : « C’est fini, les mamies assises à ne rien faire ». Alors qu’elle met la dernière main à sa création avant le défilé, elle incarne, avec neuf autres retraitées, un changement de regard sur l’âge et la vieillesse. Ces femmes, âgées de 60 à plus de 80 ans, ont défilé sur le podium de la Fashion week de Vienne, dans une célébration de la diversité et de l’inclusion.
Ce projet inédit en Autriche est le fruit de plusieurs mois de travail, où les participantes ont conçu et réalisé leurs tenues à partir de matériaux de récupération. Loin d’être des novices, elles ont été guidées par Irina Reichel, animatrice d’ateliers de couture pour retraités. En voyant ces mannequins d’un jour défiler avec assurance et élégance, le message est clair : l’âge n’est plus une limite, et la mode devient un outil pour déconstruire les préjugés.
Le spectacle, loin d’être une simple performance, revendique une prise de position contre l’âgisme et met en avant une joie de vivre palpable. Sur le podium, chaque femme rayonne, reflétant une pluralité de styles : du léopard audacieux aux robes de mariée colorées, il y en a pour tous les goûts. Ce défilé ne fait pas seulement écho à une tendance globale d’ouverture à la diversité dans la mode, mais il s’impose comme un événement symbolique. Si les icônes comme Naomi Campbell ou Claudia Schiffer ont déjà démontré qu’il est possible de célébrer la beauté à tous les âges, ces femmes viennoises montrent que l’élégance et la modernité n’ont pas d’âge non plus.
Les jeunes spectatrices, admiratives, s’imaginent déjà suivre leur exemple à un âge avancé, tandis que les retraitées comme Verena Heger, 60 ans, applaudissent l’initiative. « Ce n’est pas parce qu’on a plus de 60 ans qu’on fait des choses ringardes ! », s’exclame-t-elle, résumant la fierté et la modernité de cette nouvelle génération de femmes âgées qui refusent d’être invisibles.
Avec son ambiance festive, son tapis rouge et ses créations uniques, ce défilé aura marqué les esprits, prouvant que la mode est un terrain où chacun peut trouver sa place, peu importe son âge.
Europe
Victoire historique de la justice européenne contre Apple et Google
La Cour de justice de l’Union européenne a tranché en faveur de la Commission européenne dans deux affaires majeures impliquant Apple et Google, infligeant des sanctions financières record et marquant un tournant dans la lutte contre les abus des géants de la tech.
Mardi, la justice européenne a confirmé deux décisions aux lourds enjeux financiers, donnant raison à la Commission européenne face à Apple et Google. La commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, s’est félicitée de cette issue, la qualifiant de « grande victoire pour les citoyens européens », soulignant son importance pour l’équité des règles économiques et la justice fiscale.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dernière instance dans ces affaires, a ordonné à Apple de rembourser 13 milliards d’euros à l’Irlande, correspondant à des avantages fiscaux illégaux, assimilés à une aide d’État. En parallèle, Google a vu confirmée une amende de 2,4 milliards d’euros pour abus de position dominante, infligée pour avoir favorisé son service de comparaison de prix au détriment de ses concurrents.
L’affaire Apple remonte à 2016, lorsque la Commission européenne avait demandé à l’entreprise de rembourser les impôts non perçus par l’Irlande entre 2003 et 2014. Durant cette période, Apple a rapatrié la majorité de ses bénéfices européens en Irlande, bénéficiant d’un taux d’imposition presque nul, allant de 1 % à 0,005 %. En 2020, le Tribunal de l’UE avait annulé cette décision, infligeant un sérieux revers à Margrethe Vestager. Cependant, en novembre 2023, l’avocat général de la CJUE avait recommandé d’annuler ce jugement initial et de renvoyer l’affaire au tribunal. La Cour a finalement confirmé que l’Irlande avait accordé une aide illégale à Apple, scellant ainsi l’obligation de remboursement. Apple a réitéré son désaccord, affirmant que l’entreprise n’avait bénéficié d’aucun traitement fiscal particulier.
Dans l’autre dossier, la CJUE a confirmé la sanction de 2,4 milliards d’euros imposée à Google pour avoir abusé de sa position dominante en favorisant son comparateur Google Shopping dans les résultats de recherche, rendant ses concurrents quasiment invisibles pour les utilisateurs. Cette amende, imposée en 2017, est l’une des nombreuses sanctions financières infligées à Google pour des pratiques anticoncurrentielles, le total des amendes infligées au groupe dépassant les 8 milliards d’euros. Google a exprimé sa déception face à ce verdict, rappelant avoir déjà ajusté ses pratiques en 2017 pour répondre aux exigences européennes.
Ces décisions marquent un tournant dans la régulation des géants de la technologie, tant en Europe qu’aux États-Unis, où Google fait également face à plusieurs enquêtes et procès. Elles réaffirment la volonté de la Commission européenne de réguler les pratiques des entreprises multinationales pour garantir une concurrence équitable et une fiscalité juste au sein de l’Union.
Europe
Rome envisage de faire payer l’accès à la fontaine de Trevi
Face à l’afflux massif de visiteurs à la fontaine de Trevi, la municipalité de Rome étudie l’idée d’instaurer un accès payant pour les touristes. Cette mesure vise à protéger ce site emblématique tout en préservant l’expérience locale et culturelle des Romains.
La fontaine de Trevi, chef-d’œuvre baroque et symbole incontournable de la Ville éternelle, attire chaque année des millions de touristes. Afin de répondre au défi croissant du surtourisme, les autorités romaines envisagent de mettre en place un système de gestion plus strict de l’accès à ce lieu mythique. Alessandro Onorato, adjoint au tourisme à la mairie, a ainsi suggéré l’instauration d’horaires d’accès précis et de quotas de visiteurs pour mieux encadrer la foule et limiter les débordements.
Cette initiative, encore à l’étude, proposerait aux visiteurs de réserver des créneaux horaires, un dispositif permettant de contrôler non seulement le flux des touristes, mais aussi leurs comportements souvent inappropriés. L’un des objectifs principaux est d’éviter des scènes de désordre, telles que la consommation de nourriture sur les marches entourant la fontaine. Onorato a précisé que ce système de réservation ne serait pas une source de revenus pour la ville : les Romains auraient un accès gratuit, tandis que les touristes étrangers se verraient demander un modeste droit d’entrée d’un euro.
Toutefois, il n’y a encore aucune décision ferme. Un porte-parole de la municipalité a tempéré l’enthousiasme autour de ce projet en rappelant qu’il ne s’agit pour l’instant que d’une ébauche d’idée. Pourtant, le problème du tourisme de masse devient de plus en plus pressant, avec un nombre croissant de visiteurs dans la capitale italienne. Ce phénomène devrait s’intensifier à l’approche du Jubilé de 2025, une année sainte qui pourrait attirer près de 30 millions de personnes à Rome et au Vatican.
Rome n’est pas la seule ville italienne confrontée à ce défi. Venise, autre site emblématique, a déjà testé un système de billets payants pour les visiteurs à la journée lors des périodes d’affluence, une mesure destinée à canaliser les flux touristiques. Parallèlement, le gouvernement de Giorgia Meloni réfléchit à une hausse significative de la taxe de séjour, une proposition qui suscite la colère des professionnels du secteur touristique, craignant une baisse de la fréquentation.
Outre la gestion des flux, les autorités romaines veulent également préserver le centre historique de la capitale en limitant l’ouverture de nouvelles structures d’hébergement touristique. Toutefois, ce pouvoir échappe pour l’instant à la municipalité. Si elle peut encadrer l’implantation de nouveaux restaurants et fast-foods dans cette zone, elle n’a pas la compétence pour réguler le développement des chambres d’hôtes ou des logements de vacances.
La volonté de Rome d’encadrer l’accès à ses trésors culturels illustre bien le dilemme auquel sont confrontées les grandes métropoles européennes : préserver leur patrimoine tout en accueillant un tourisme toujours plus florissant.
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