À Sète, un bras de fer judiciaire sans précédent s’engage entre 160 citoyens et la municipalité. Opposés à la construction d’un parking sous l’Esplanade Aristide-Briand, ces habitants ont décidé de frapper fort avec une Citation Directe visant le maire François Commeinhes et plusieurs responsables a été déposée devant la justice pénale.
Après trois années de procédures administratives, cette action marque un tournant inédit dans l’opposition au projet. Vendredi 7 février, Me Stéphane Fernandez a déposé une citation directe de 122 pages auprès du tribunal correctionnel de Montpellier. « Un geste d’une ampleur exceptionnelle qui a stupéfait le greffe du tribunal, jamais confronté à un tel volume de citations citoyennes », explique le collectif. Contrairement à une plainte classique, cette démarche permet d’assigner immédiatement les mis en cause devant la justice. « Un pavé dans la mare », selon François Piettre, coordinateur de la riposte judiciaire de Bancs Publics.
Le Collectif et les citoyens reprochent à la municipalité plusieurs infractions jugées graves et répétées : tentative d’escroquerie au jugement contre la Ville de Sète et la SPLBT, faux et usage de faux visant les entreprises Abesol et Antea France, prise illégale d’intérêt et menaces réitérées contre le maire François Commeinhes et le directeur de la SPLBT, Christophe Clair. Enfin, une accusation d’abstention volontaire de prendre des mesures contre un sinistre menaçant des personnes, pointant les risques environnementaux du projet.
Depuis le début du chantier, le Collectif Bancs Publics alerte sur le manque de transparence entourant les conséquences environnementales. En cause, un pompage excessif des eaux souterraines dépassant les délais autorisés, un risque accru de pollution automobile et la destruction du patrimoine arboré. L’association dénonce également des manœuvres administratives suspectes ayant conduit à l’absence d’étude environnementale, pourtant obligatoire pour un chantier d’une telle ampleur.
Ce bras de fer juridique s’ajoute à une procédure en cours devant le tribunal administratif, qui pourrait aboutir à une annulation du permis de construire. Cependant, l’appel en droit administratif n’étant pas suspensif, la mairie pourrait poursuivre les travaux malgré une potentielle illégalité une fois le parking construit, alimentant davantage la contestation citoyenne.
Si la Citation Directe a été acceptée après plusieurs heures de discussions avec le greffe, un nouveau défi logistique se pose, où juger 160 citoyens plaignants et les six personnes poursuivies ? Le tribunal correctionnel de Montpellier n’ayant pas de salle adaptée, seule une audience devant la cour d’assises, normalement réservée aux affaires criminelles, est envisagée selon François Piettre. La décision revient désormais au procureur de la République, qui doit fixer la date de la première audience.
Ce combat est aussi financier. Depuis trois ans, les membres de l’association Bancs Publics mobilisent des fonds via des adhésions et des dons pour couvrir les frais juridiques. Chaque plaignant devra s’acquitter d’une consignation individuelle lors de l’audience, une charge supplémentaire pesant sur leur engagement.
Par ailleurs, François Piettre souligne un autre point crucial, l’opacité totale sur le coût réel du projet. Les citoyens exigent la publication des comptes publics, notamment l’évolution du budget. Selon les estimations de l’association, si les dépenses dépassent de plus de 50 % le budget initial, la municipalité pourrait se retrouver en situation d’illégalité.
Les opposants restent convaincus que le permis de construire sera annulé, mais la question demeure, quand ? Avant la fin des travaux, ou après, une fois les recours épuisés ? Une annulation tardive poserait un problème majeur, la déconstruction et la remise en état du site pourraient coûter plusieurs millions d’euros.
Un autre risque concerne l’étanchéité du parking, qui pourrait le rendre inexploitable avant même son inauguration. Selon les experts consultés par le Collectif Bancs Publics, les matériaux utilisés sont de mauvaise qualité et les infiltrations d’eau pourraient condamner l’ouvrage à long terme.
Face à ces incertitudes, les citoyens restent mobilisés contre ce projet et appellent à une vigilance accrue du public sur l’évolution du chantier et des dépenses. L’issue de cette bataille pourrait bien redéfinir les rapports de force entre citoyens et décideurs locaux.